Pour la justice européenne, un lanceur d’alerte peut être condamné

Dans un arrêt rendu le 11 mai, la juridiction suprême dit qu’on peut être condamné en justice pour avoir rendu publics des documents d’intérêt général tout en étant reconnu comme lanceur d’alerte. En l’espèce, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé la condamnation à une amende de 1 000 € de Raphaël Halet, l’un des deux anciens salariés (avec Antoine Deltour) du géant du conseil PriceWaterhouseCoopers (PWC) au Luxembourg qui avaient contribué à donner naissance au retentissant scandale « LuxLeaks ».

La décision de la CEDH, qui devrait faire jurisprudence (même s’il ne s’agit que d’un arrêt de chambre encore susceptible de recours, et pas d’un arrêt de la Grande Chambre), était très attendue. Or dans son arrêt (on peut le lire ici), adopté à cinq voix contre deux, la juridiction suprême a estimé que les décisions rendues dans cette affaire avaient ménagé un juste équilibre entre la nécessité de préserver les droits de l’employeur et celle de préserver la liberté d’expression du lanceur d’alerte. Ainsi, bien que le statut de lanceur d’alerte lui soit reconnu, Raphaël Halet voit sa condamnation confirmée.

Pour la CEDH, les trois critères qualificatifs – « information essentielle, nouvelle et inconnue » – ont été respectés par la Cour d’appel. En conclusion, « les divulgations du requérant ne présentaient pas un intérêt suffisant pour pondérer le dommage qu’elle avait reconnu dans le chef de PWC ». En estimant, avec cet arrêt, que le Luxembourg n’a pas enfreint la liberté d’expression de Raphaël Halet, la CEDH adopte une notion assez restrictive du droit d’alerte. Il s’agit d’une « mauvaise nouvelle pour la liberté d’expression et la liberté d’informer », a réagi la Maison des Lanceurs d’Alerte (MLA).

Source : Mediapart, 12/05/2021