Delubac : une banque discrète citée dans plusieurs affaires judiciaires

Nouvelle enquête de la cellule investigation de Radio France, sur la méconnue banque ardéchoise Delubac & Cie. L’établissement se retrouve aujourd’hui mentionné dans des affaires pénales d’envergure.

En 2012, des enquêteurs vont tomber sur le nom de cet établissement dans le cadre du Kazakhgate. Nicolas Sarkozy est soupçonné d’être intervenu pour aider un oligarque proche du président kazakh, incarcéré en Belgique. Sa libération aurait été le préalable à la signature d’un contrat d’une valeur d’environ deux milliards d’euros portant sur l’achat par le Kazakhstan de matériels militaires à la France, dont 45 hélicoptères. Cette vente aurait donné lieu au versement de commissions voire de rétrocommissions. Le tout aurait été piloté par une cellule au cœur de l’Élysée. Dans cette affaire, la banque Delubac aurait fait circuler des fonds suspects. L’oligarque kazakh avait, en effet, un compte bancaire sur lequel ont transité plus d’un million d’euros. Un des protagonistes mis en examen dans ce dossier, Jean-François Etienne des Rosaies, chargé de mission à la présidence de la République, est soupçonné d’avoir reçu d’importantes sommes en liquide. Il avait également un compte au sein de la banque. Il est par ailleurs intervenu auprès de Claude Guéant, Christine Lagarde et Eric Woerth pour éviter à la banque une enquête trop poussée de la Banque de France sur sa solvabilité. Quand il quitte l’Elysée en 2010, il rejoint le conseil de surveillance de la banque Delubac où il reçoit une importante rémunération sous forme de jetons de présence.

La banque apparait aussi dans les Dubaï Papers, cette fuite de documents internes issus du groupe Helin International, révélant un réseau d’évasion fiscale à destination de plusieurs dizaines de contribuables et chefs d’entreprises français piloté depuis Dubaï. Les dirigeants du groupe Helin, Henri de Croÿ et son frère Emmanuel, auraient poussé pour la création d’une filiale de la banque Delubac à Dubaï, afin de placer 20 millions d’euros de trésorerie au sein de l’Emirates National Bank of Dubaï (Emirates NBD), grâce à l’entremise du groupe Helin. Après avoir placé cette somme, la banque Delubac devait accepter qu’elle serve de garantie à un autre prêt, de 15 millions d‘euros, octroyé par Emirates NBD au groupe Helin. Avec cet argent, le groupe Helin devait racheter… à la banque Delubac pour 13,7 millions de créances douteuses détenues sur deux sociétés picardes, au prix discount de 11 millions d’euros. Ce qui aurait permis à Helin de faire une plus-value aux dépens de Delubac. Les Dubaï Papers regorgent d’opérations similaires qui avaient pour but de vider la trésorerie de sociétés françaises de manière artificielle, avec la complicité des chefs d’entreprises, qui récupéraient ensuite la majorité des fonds sous la forme de dépôts sur des comptes bancaires offshore non déclarés.

Source : France Inter, 21/05/2021