Affaire du MoDem : un rapport de police décrit le système de « détournement » de fonds européens

Deux mois après avoir rendu, en février, leurs conclusions concernant l’affaire des assistants parlementaires européens du RN, les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ont livré leur rapport de synthèse, mi-avril, dans le dossier judiciaire visant l’affaire des assistants parlementaires européens du parti centriste. Dans ce document de trente pages, que Le Monde a consulté, les enquêteurs estiment que les investigations et les auditions organisées depuis quatre ans et le début de l’information judiciaire ont mis au jour « un système ancien et plus ou moins informel visant à utiliser les fonds du Parlement européen afin de permettre le maintien de l’activité du parti et le niveau de rémunération de salariés de l’UDF-MoDem ».

Si l’infraction de « détournement de fonds publics » européens ne fait pas de doute aux yeux des policiers de l’OCLCIFF, ils notent que ce détournement « ne reposait pas sur une méthode monolithique et systématique. Il évoluait au fil du temps, et relevait de l’opportunité des situations tout en respectant un budget déterminé. En outre, le détournement pouvait être total – aucun travail réalisé pour l’eurodéputé – ou partiel – le collaborateur concerné ne consacrant à son eurodéputé qu’une fraction du temps de travail qu’il était censé lui devoir, sans qu’il ait été possible de l’évaluer précisément, le parti bénéficiant du restant. Quelle que soit la méthode employée, elle visait à faire supporter au Parlement européen le coût salarial des employés du parti. »

Au total, l’OCLCIFF estime à 1,4 million d’euros le montant global détourné. Selon le rapport, pourraient être poursuivis, « en tant qu’auteurs », neuf ex-eurodéputés, dont Jean-Luc Bennahmias, Nathalie Griesbeck ou Sylvie Goulard. Trois anciens responsables du parti, dont le directeur financier Alexandre Nardella, pourraient l’être comme complices du détournement de fonds publics. Mais la liste la plus longue concerne les « receleurs » de ce délit. Selon le rapport de l’OCLCIFF, s’exposent à des poursuites toutes les petites mains du parti, souvent peu payées, qui ont bénéficié des contrats litigieux. Une dizaine d’ex-assistants, y compris ceux qui avaient alerté sur la situation au début de l’enquête, figurent dans cette liste. Moins surprenant, on y retrouve les personnes morales du MoDem et de l’UDF, ainsi que François Bayrou, « en sa qualité de dirigeant du parti bénéficiaire ». Marc Fesneau, ancien secrétaire général du MoDem, et désormais ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne, figure également sur cette liste.

Source : Le Monde, 02/06/2021