Conflits d’intérêts et trafics d’influence au sommet de l’UE : des juges et commissaires à l’éthique en toc

En tirant le fil de l’affaire Pinxten, Libération a mis au jour un véritable système de conflits d’intérêts et de trafic d’influence qui étend ses ramifications non seulement à la Commission, mais aussi à la CJUE, le temple du droit européen, qui implique pour l’essentiel des membres du PPE (Parti populaire européen), la maison mère des partis conservateurs européens. C’est un « Etat PPE » qui a fait son nid au cœur de l’Union européenne pour le plus grand profit de ses membres.

Il suffit de s’intéresser aux signatures figurant en bas de l’arrêt condamnant Pinxten pour saisir l’ampleur du problème : alors qu’il a été rendu en « assemblée plénière », la formation la plus solennelle de la CJUE, ce qui est normal vu l’importance du poste qu’occupait l’accusé, huit de ses membres étaient absents dont son président, le Belge Koen Lenaert, qui s’est officiellement «récusé», fait extrêmement rare.

La raison en est simple : ces deux Belges néerlandophones, qui se sont connus au CD & V, le parti démocrate-chrétien flamand, avant que Pinxten ne le quitte pour le parti libéral, entretenaient des liens très étroits : ce dernier est le parrain de l’une des filles de Lenaerts et il a assisté à son mariage en mai 2012 en n’hésitant pas à faire prendre en charge par la CCE les coûts de son déplacement… Lenaerts et Pinxten déjeunaient ou dînaient aussi régulièrement ensemble au restaurant aux frais du contribuable européen sans que l’on comprenne l’intérêt professionnel de ces rencontres. De même, le juge belge se rendait régulièrement au domicile de Pinxten pour participer à des soirées, comme en ce 31 mai 2008 où les 18 invités mêlaient responsables européens, politiques et grands patrons belges, le tout facturé 2 560 euros à la CCE. Ces dîners, qui n’ont rien d’amicaux, pourraient bien relever du trafic d’influence et du conflit d’intérêts.

Source : Libération, 01/12/2021