Newsletter de janvier 2023

Bienvenue dans cette huitième édition de la newsletter France Corruption, éditée par le groupe Anticor de Paris et qui propose une synthèse des contenus proposés sur notre site. Cette année la newsletter s’étoffe et vous propose chaque mois un article produit par nos soins, qui revient sur une affaire récente. N’hésitez pas à en parler autour de vous et à nous suivre sur twitter, facebook ou instagram. Vous pouvez nous soumettre un lien, une actualité ou un correctif en répondant directement à ce mail.

Retour sur : l’affaire des mutuelles de Bretagne

2010. Les Mutuelles de Bretagne cherchent un nouveau local à Brest. En décembre, leur directeur général, Richard Ferrand, signe l’achat d’un local pour le compte de sa compagne, Sandrine Doucen. Le compromis de vente comprend une clause suspensive manuscrite : la vente ne sera effective que si les Mutuelles de Bretagne louent le local.

Janvier 2011. Richard Ferrand présente trois locaux au Conseil d’administration de la mutuelle, qui choisit celui de la SCI Saca. C’est le loyer le moins cher, mais il y aura 184 000 € de travaux. Or la SCI Saca n’existe pas encore. Elle ne sera créée qu’un mois plus tard, et appartiendra à 99% à Sandrine Doucen. La SCI n’est pas non plus propriétaire du local. Elle le deviendra en juillet 2011, grâce à un prêt de 400 000 € du Crédit Agricole négocié par Richard Ferrand lui-même. Ce prêt couvre l’intégralité de la vente (frais de notaire inclus) et sera remboursé par les loyers que versera la mutuelle.

Le patrimoine de Sandrine Doucen va ainsi bondir de 500 000 à 600 000 € sans qu’elle ait couru le moindre risque ni rien investi. Son nom n’a pas été mentionné pendant le conseil d’administration qui a validé le bail et il ne figure pas au procès-verbal. Un mois après les révélations du Canard Enchaîné, le parquet de Brest ouvre une enquête préliminaire. Et la classe sans suite quatre mois plus tard. Mais sa décision souligne qu’il aurait pu exister un délit de prise illégale d’intérêt, couvert par la prescription de trois ans. En effet, le Code Pénal punit de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 € d’amende le fait, pour une personne chargée d’une mission de service public, de conserver un intérêt direct ou indirect dans une opération qu’elle a la charge de gérer ou de surveiller. Or Richard Ferrand a été à la manœuvre d’un bout à l’autre de cette transaction, dont sa compagne est l’unique bénéficiaire.

L’association anticorruption Anticor va donc déposer plainte et contester la prescription. En septembre 2019, Richard Ferrand est mis en examen pour prise illégale d’intérêt. En avril 2021, la cour d’Appel de Douai déclare l’affaire prescrite. Les faits commis entre 2010 et 2012 sont couverts par la prescription depuis 2014 (trois ans après la signature du bail) ou depuis 2015 (trois ans après la démission de Richard Ferrand des Mutuelles). Anticor se pourvoit en cassation : l’association invoque la « dissimulation avérée de la fraude », qui permet de faire démarrer la prescription non pas à la date de commission du délit, en 2011, mais à celle de sa révélation, en 2017. La cour de Cassation lui a donné tort, dans un arrêt du 5 octobre 2022. Elle a considéré que la publicité légale au moment de la création de la SCI aurait permis de savoir que Sandrine Doucen détenait la SCI – ce que certains administrateurs savaient par ailleurs. Et que les liens de Richard Ferrand et de Sandrine Doucen étaient notoires. Qu’il n’y a donc pas dissimulation.

À la une en janvier

Observatoire des pantouflages

Notre décompte citoyen continue cette année. À lire sur ce sujet, un article du Monde sur le pantouflage des anciens ministres d’Emmanuel Macron, dont un tiers a rejoint le privé ; et notre série dédiée à TotalEnergies, issue du rapport “L’État français fait le jeu de Total en Ouganda” des Amis de la Terre.

Voici les autres pantouflages que nous avons relevé ce mois-ci :

  • Pierre de Bousquet de Florian : coordonnateur du renseignement et de la lutte contre le terrorisme puis directeur de cabinet de Darmanin, il va créer sa société de conseil et siègera au board de l’Adit, entreprise d’intelligence économique.
  • Fleur Pellerin : ex-ministre déléguée en charge des PME, elle a fondé la société d’investissement Korelya Capital. Elle est aussi administratrice de Schneider Electric et KLM. En 2022, elle a commencé à travailler pour le Crédit Mutuel.
  • Anne-Marie Armanteras de Saxcé : ex-conseillère santé d’Emmanuel Macron, elle travaille pour l’agence de conseil Care Insight, dont elle dirige le think-tank. Parallèlement, elle préside le conseil d’administration de l’ANAP.
  • Laurent Saint Martin : après sa défaite aux législatives, il est nommé par l’Elysée à la tête de Business France. Le député sortant est préalablement passé par BPI France et Euronext.
  • Marie Silin : l’ex-suppéante d’Olivia Grégoire à l’Assemblée, passée par Enedis, devient lobbyiste en chef de Technip Energies. Au Parlement, elle avait siégé à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
  • Martine Leguille-Balloy : l’ex-député LREM s’apprête à succéder à Bernard Vallat au poste de président de la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (Fict).
  • Jean-Charles Colas-Roy : l’ex-député rejoint Coénove, association des professionnels du gaz et de l’efficacité énergétique des bâtiments. À l’Assemblée il était membre des groupe d’étude énergies vertes et enjeux économiques de la filière énergétique.
  • David Miodownick, ex-collaborateur d’Élisabeth Borne, part chez Airbnb comme responsable des affaires publiques.
  • Jean-Michel Blanquer devient associé au sein du cabinet Earth Avocats, spécialisé en droit des affaires et qui compte notamment comme clients Vinci et Bouygues.
  • Christophe Castaner crée sa société de conseil en stratégie et organisation, baptisée “Villanelle Conseil”, alors qu’il vient de prendre la tête du Port de Marseille et du Tunnel du Mont Blanc.
  • Grégory Besson-Moreau : l’ex-rapporteur LREM de la commission d’enquête sur la grande distribution est resté en lien avec l’ILEC, qui représente les intérêts des grandes marques.
  • Mathieu Maucort : ex-McKinsey passé par le Haut-Commissariat à l’emploi et à l’engagement des entreprises, il est promu délégué interministériel à la jeunesse. Il est mentionné dans les plaintes au PNF qui ont mené à l’ouverture d’informations judiciaires.

Observatoire de la probité

  • Michel Mercier : l’ancien ministre de la Justice a été condamné à trois ans de prison avec sursis. Il était soupçonné d’avoir octroyé des emplois parlementaires fictifs à son épouse et une de ses filles entre 2005 et 2014.
  • Xavier Darcos : le Chancelier de l’Institut de France est visé par une enquête du PNF, qui a récemment auditionné six membres de l’Institut, dont Hélène Carrère d’Encausse.
  • Patrice Millet : le procureur a fait appel de la relaxe de l’ex-directeur général des services de Narbonne dans une affaire de détournement de fonds publics.
    Il lui reproche d’avoir perçu 99000€ de rémunérations supplémentaires indues.
  • Philippe Nachbar : l’ex-sénateur LR a été condamné à 100 000 € d’amende pour avoir détourné ses frais de mandat. Ancien membre du bureau du Sénat, il avait planché sur le guide de bon usage des frais de mandat.
  • François Commeinhes : le parquet de Montpellier fait appel de la relaxe du maire de Sète dans une affaire de détournement de fonds publics.
  • Marc-Philippe Daubresse : le sénateur LR du nord est visé par une plainte d’Anticor pour détournement de fonds publics lors de son mandat de député. Il aurait utilisé jusqu’à 100 000€ d’indemnités de frais de mandat pour payer un loyer et des travaux.
  • François Grosdidier : six mois de prison avec sursis et 20 000 € d’amende ont été requis contre le maire de Metz. En 2011, il avait utilisé sa réserve parlementaire pour financer une association dont il était président.
  • Alain Griset : l’ex-ministre est condamné à quatre mois de prison avec sursis et trois ans d’inéligibilité avec sursis pour avoir omis de déclarer une partie de son patrimoine.
  • Yamina Mamou : élue carcassonnaise de 2014 à 2020, elle sera jugée pour corruption passive et trafic d’influence. Elle aurait monnayé des places de logement sociaux et des postes à la mairie contre du soutien politique.
  • Cédric Cornet : le maire du Gosier a été mis en examen pour détournements de fonds publics et favoritisme.
  • Jean Rottner : le président de la Région Grand Est est visé par une plainte contre X pour favoritisme et prise illégale d’intérêts visant ses missions de conseil.
  • Roger Granier : l’ancien maire de Rouet a été reconnu coupable de prise illégale d’intérêt et condamné à 12 mois de prison avec sursis et 20 000 € d’amende.
  • Pierre Bédier : des perquisitions ont eu lieu au conseil départemental des Yvelines dans une enquête sur le versement d’une subvention pour une maison médicale à Mantes-la-Jolie, projet porté par un proche de l’élu.
  • Damien Castelain : le président de la Métropole de Lille sera jugé en juillet pour détournement de fonds publics en raison de la prise en charge de frais privés par la collectivité.
  • Bruno Cassette : le sous-préfet d’Aix-en-Provence est renvoyé en correctionnelle pour favoritisme et prise illégale d’intérêts, pour avoir donné accès à une société de relations publiques à des informations privilégiées dans le cadre de l’attribution d’un marché public.
  • François Cuillandre : le maire de Brest sera jugé pour des soupçons d’abus de confiance dans le cadre de l’enquête sur les indemnités des élus socialistes de la ville.
  • Patrick Oser : l’ancien maire de Leymen été condamné à un an d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêt sur une opération immobilière.
  • Nathalie Bicais : la maire LR de La-Seyne-sur-Mer a fait l’objet d’une perquisition. Elle est soupçonnée d’atteinte à la probité et détournement de fonds publics dans une affaire de permis de construire.
  • Gilles Bourdouleix : le maire de Cholet est mis en examen pour abus de confiance, recel d’abus de bien sociaux, travail dissimulé et travail dissimulé par dissimulation partielle d’activité. L’enquête porte sur des transferts d’argent suspects entre deux associations (dont son micro-parti) et deux SCI.