Bienvenue dans cette neuvième édition de la newsletter France Corruption, éditée par le groupe Anticor de Paris et qui propose une synthèse des contenus proposés sur notre site. L’article du mois revient sur l’affaire des prothèses PIP, et notre dernier podcast est consacré à l’affaire des sondages de l’Élysée. N’hésitez pas à en parler autour de vous et à nous suivre sur twitter, facebook ou instagram. Vous pouvez nous soumettre un lien, une actualité ou un correctif en répondant directement à ce mail.
Retour sur : l’affaire des prothèses PIP
Pas une année ne passe sans qu’un scandale sanitaire n’éclate en France ou à échelle de l’Union européenne : on pense bien entendu au Distilbène, au Médiator, à la Dépakine ou encore aux implants Essure. Au-delà de l’émoi qu’ils suscitent, chacun de ces scandales permet une mise en lumière du monde de la santé et de ses acteurs, au rang desquels les laboratoires, les fabricants de dispositifs médicaux, les lobbys mais également des institutions publiques : pour n’en citer que deux en France, l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité et du Médicament) ou la HAS (Haute Autorité de Santé). Parmi ces acteurs figurent également les organismes notifiés, dont le rôle et les défaillances ont été révélés dans le cadre d’un scandale sanitaire majeur de la décennie passée : l’affaire PIP.
PIP ou « Poly Implant Prothèse » est une société française spécialisée dans la vente de prothèses mammaires. La société est fondée en 1991 à la Seyne-sur-Mer, dans le VAR, par Monsieur Jean-Claude Mas, un homme d’affaire ayant travaillé dans des secteurs pour le moins divers et s’étant intéressé dans les années 1980 au marché des prothèses mammaires, alors particulièrement porteur en Europe. En quelques années à peine, la société développe des modèles de prothèses mammaires se voulant « révolutionnaires » de par leurs caractéristiques techniques, et leur coût relativement abordable. On estime en tout que PIP aurait vendu près de 4 millions de prothèses entre 1991 et 2010. A la fin des années 2000, la société développe un nouveau modèle d’implants remplies d’un gel « à haute cohésivité », à la recette bien gardée, favorisant le positionnement de la prothèse et son rendu naturel. Ce nouveau modèle apparaît alors comme une véritable petite révolution dans le milieu, poussant les ventes de la société PIP au plus haut, et ce tant en France qu’à l’international.
Seulement voilà…au fil des années, un certain nombre de plaintes de patientes relatives à la qualité de ces produits et aux effets indésirables qu’ils causent remontent, dans un premier temps auprès de chirurgiens, puis des instances sanitaires des différents pays au sein desquels les prothèses sont commercialisées. Des patientes se plaignent notamment de fuites, de l’apparition de grosseurs, de douleurs, d’œdèmes et même dans certains cas de l’apparition de formes de cancer du sein. En novembre 2009, un expert et membre de l’AFFSAPS (agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) – devenue en 2012 et suite notamment au scandale PIP, l’ANSM – reçoit un courrier de délation contenant des photographies de bidons de matières premières prises sur le site de production de la société PIP, à La Seyne sur Mer. Ces bidons contiennent des matériaux strictement interdits à la fabrication de dispositifs médicaux implantables. Quelques semaines plus tard, en mars 2010, l’AFFSAPS procède à une inspection inopinée du site de production de PIP. En moins de 24h, ses inspecteurs découvrent l’ampleur de la fraude : le fameux gel à haute-cohesivité remplissant l’enveloppe des prothèses et dont ont ventait tant les mérites n’est autre qu’un gel contenant des matériaux qu’on utilise pour fabriquer des composants électroniques, strictement interdits à un usage médical donc. Les autorités nationales de chacun des pays au sein desquels les implants sont commercialisés annoncent leur retrait du marché le 29 mars 2010. La société PIP est placée en liquidation le même jour. Une semaine plus tard, TÜV Rheinland, l’organisme notifié ayant certifié les prothèses et donc permis leur commercialisation au sein de l’UE pendant une décennie, retire ses certificats de mise sur le marché.
Sans surprise, plusieurs actions en justice sont initiées :
- Devant les juridictions pénales : Monsieur Jean-Claude Mas et plusieurs dirigeants de la société PIP sont condamnés pour des faits de tromperie, de complicité de tromperie et d’escroquerie.
- Devant les juridictions administratives : L’État est déclaré responsable pour carence fautive de l’AffSaps, entre avril 2009 et décembre 2009. Le Tribunal administratif considère que l’affsaps a reçu les données de vigilance pour l’année 2008 en avril 2009, faisant apparaître une augmentation significative des incidents et notamment des cas de rupture, mais qu’elle n’a pour autant rien fait.
- Devant les juridictions commerciales et civiles : Plusieurs actions en vue de l’indemnisation des préjudices des femmes porteuses sont initiées, elles visent pour certaines uniquement TÜV Rheinland.
Ces actions judiciaires permettent de mettre en lumière un certain nombre de dysfonctionnements relatifs mise sur le marché des dispositifs médicaux en Europe : défaillances des contrôles exercés par les autorités nationales sur les organismes notifiés, insuffisance de la surveillance post-commercialisation, nécessité d’une meilleure traçabilité des dispositifs médicaux et manque général de transparence du système. On peut en effet légitimement se demander comment une société comme PIP a pu, pendant tout ce temps, frauder aux yeux des instances sanitaires françaises ? Peut-on, au fond, véritablement commercialiser un dispositif médical en France sans qu’aucun contrôle préalable à la mise sur le marché ne soit effectué ?
Pour répondre à cette question, il faut s’intéresser au rôle des organismes notifiés : ces structures – publiques ou privées – sont désignées par les autorités sanitaires de chacun des pays de l’UE. L’organisme notifié désigné par la France est le LNE-GMED.
Ces organismes interviennent principalement avant la mise sur le marché des produits :
Ils évaluent les dossiers fournis par le fabricant et réalisent des audits auprès d’eux. Ils procèdent à une évaluation des preuves cliniques et peuvent, pour se faire, avoir recours des experts externes, ce qui entraîne fréquemment des cas de conflits d’intérêts. Ils délivrent enfin le certificat « CE » apposé sur chaque dispositif, et sans lequel ils ne peuvent circuler, ni être commercialisés librement au sein de l’UE. Si le scandale PIP a donné lieu à un renforcement du système d’évaluation et de certification des dispositifs médicaux, il reste aujourd’hui encore critiquable : que dire par exemple du système d’équivalence en place au sein de l’UE ? Il permet au fabricant d’un dispositif médical, souhaitant que son produit soit commercialisé en France, mais ayant essuyé un refus de la part de l’organisme notifié désigné par les autorités sanitaires françaises, de prendre attache avec un organisme notifié d’un autre Etat membre. C’est ce système qui explique comment TÜV Rheinland, société privée allemande, s’est retrouvée impliquée dans le scandale des prothèses PIP.
Plus récemment encore, le LNE GMED, organisme notifié français, a été impliqué dans une affaire l’opposant au journal Le Monde ainsi qu’à plusieurs associations, dont Anticor.
Il refusait de leur communiquer la liste des dispositifs pour lesquels il avait refusé de délivrer un certificat de conformité mais qui ont, malgré tout, été certifiés par organisme notifié d’un autre Etat, en application du système d’équivalence. En avril 2022, le Conseil d’Etat a rendu un arrêt au sein duquel il a considéré que « le secret des affaires ne s’oppose pas à la communication par l’organisme notifié français de la liste des dispositifs médicaux pour lesquels le marquage CE a été refusé en France, mais qui ont été mis sur le marché après avoir obtenu une certification dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace Économique Européen.»
Malgré cette décision, le LNE-GMED n’a, à ce jour, toujours pas communiqué cette liste, affaire à suivre donc…
Podcast : Les sondages de l’Élysée

Notre nouveau podcast est dédié à l’affaire des sondages de l’Élysée. Le récit est suivi d’un entretien avec Jérôme Karsenti, avocat d’Anticor. Entre 2007 et 2012, durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la Présidence de la République a commandé pour plus de 9 millions d’euros d’enquêtes d’opinion à des sociétés amies. C’est un rapport de la Cour des Comptes qui met le feu aux poudres en juillet 2009. S’engage alors une bataille judiciaire inédite, à laquelle journalistes et citoyens engagés vont prendre part.
→ À écouter sur Apple Podcasts, Spotify, Deezer, ou via le flux RSS.
À la une en février
- Sébastien Lecornu menacé d’un procès : le ministre des Armées est mis en cause dans le cadre de ses fonctions passées de président du conseil départemental de l’Eure, pour avoir pris part à des délibérations impliquant la société des autoroutes Paris-Normandie dont il était dans le même temps administrateur.
- Olivier Dussopt menacé d’un procès dans une affaire de marché truqué. Le ministre du travail a reçu un rapport d’enquête accablant du PNF, qui le soupçonne d’un délit de favoritisme avec l’un des géants français de l’eau.
- Houria Aouimeur, lanceuse d’alerte de l’Agence de Garantie des Salaires (AGS), dénonce le scandale des milliards envolés et la dérive de l’ancienne direction et de mandataires judiciaires.
- Un enregistrement de 2016 montre que le PDG de Kering savait que l’évasion fiscale pratiquée par son groupe en Suisse était problématique. François-Henri Pinault a pourtant continué à opérer ce montage pendant encore 3 ans.
- Nicola Bulgari, ex-dirigeant de la marque de joaillerie qui porte son nom, aujourd’hui détenue LVMH, a plaidé coupable à l’issue de poursuites lancées par le PNF. Il écope de plus de sept millions d’euros d’amende.
- LuxLeaks : la CEDH reconnaît le Français Raphaël Halet comme lanceur d’alerte et condamne le Luxembourg.
- Patrick Hansen, l’homme qui a fait reculer la transparence financière en Europe, possède des dizaines de sociétés dans les paradis fiscaux et a bénéficié de 100 millions d’euros de fonds russes.
- Le parquet de Paris demande le renvoi en correctionnelle de François Bayrou et de douze des responsables du parti centriste dans l’affaire des assistants au Parlement européen.
Observatoire des pantouflages
- Jean-Pierre Jouyet : l’ex-secrétaire général de l’Elysée, rejoint la société d’investissement Perceva.
- Benoît Puga : l’ex-chef de l’État-major de Nicolas Sarkozy puis François Hollande et ex Grand chancelier de la Légion d’honneur, est nommé Déontologue du Groupe AG2R La Mondiale.
- Jean-Baptiste Moreau : l’ex-député et rapporteur général de la loi Agriculture et Alimentation, devient lobbyiste auprès du groupe européen d’affaires publiques RPP sur les dossiers touchant agriculture, alimentation et santé.
- Martin Hirsch, Guillaume Pepy, Muriel Pénicaud : Galileo, mastodonte de l’enseignement supérieur lucratif, aligne les embauches de « serviteurs de l’Etat » pour asseoir sa légitimité.
Observatoire de la probité
- Dominique Métot : l’ancien maire de Bolbec (Normandie) a été reconnu coupable d’avoir favorisé l’association Léo-Lagrange au détriment de la MJC. Il est condamné à 6 mois de prison avec sursis, 5 000 € d’amende et 3 ans d’inéligibilité. Il va faire appel.
- Meyer Habib : le Conseil constitutionnel a annulé l’élection du député apparenté LR, élu dans la circonscription des Français de l’étranger qui couvre notamment Israël, l’Italie et la Grèce, pour des fraudes électorales d’une « particulière gravité ».
- Alain Ferrand : le maire du Barcarès a été placé en garde à vue mardi 7 et mercredi 8 février concernant des soupçons d’irrégularités sur le contrat d’un agent municipal.
- Alain Rousset : la justice enquête sur la campagne 2015 du président socialiste de la Région Nouvelle-Aquitaine. Des documents montrent comment des membres de son cabinet, payés sur fonds publics, se sont mobilisés pour l’élection.
- Patrick et Isabelle Balkany : les époux de Levallois ont diffusé des photomontages pornographiques du premier adjoint de la ville. Ils seront jugés pour atteinte à la vie privée le 4 avril.
- François Grosdidier : le maire de Metz est condamné à 6 mois de prison avec sursis et 10 000 € d’amende pour prise illégale d’intérêt. Il a utilisé sa réserve parlementaire quand il était député pour financer une association dont il était le président
- Jean-Marc Roubaud : un an de prison avec sursis a été requis contre l’ancien président du Grand Avignon, qui répète son innocence quant aux faits de favoritisme et de prise illégale d’intérêt qui lui sont reprochés, en faveur de son ancienne maîtresse.
- Jean-Luc Martinez : l’ex-patron du Louvre reste mis en examen. Soupçonné d’avoir favorisé la vente de plusieurs antiquités pillées au Louvre d’Abou Dhabi, il a vu sa requête en nullité rejetée par la chambre de l’instruction de Paris.
- François Fillon : l’ex-premier ministre pourrait connaître un nouveau procès pour détournement de fonds publics. Le PNF a bouclé son enquête sur les conditions dans lesquelles il a employé Maël Renouard comme assistant parlementaire entre 2013 et 2015.
- Nicolas Sarkozy : la prise en charge par le Qatar de dépenses de campagne de l’ex-candidat à l’élection présidentielle de 2007, pourrait constituer une « contrepartie indirecte » de son soutien dans l’obtention de la Coupe du monde 2022.