Histoire de la lutte anticorruption en France

De l’Ancien Régime à la première moitié du XXe siècle, la France a créé et étendu des infractions punissant les différentes formes d’atteintes à la probité. La lutte contre la corruption en France trouve ses fondements dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789, qui reconnaît à la société le droit de demander compte à tout agent public de son administration. Puis en 1810, la rédaction du Code pénal intègre plusieurs articles sur la corruption dont la première forme de prise illégale d’intérêts.

Dans les années 1980 et 1990, sous l’influence notamment des instances internationales et du mouvement de décentralisation, la France renforce l’arsenal législatif anticorruption. Les obligations de transparence des collectivités locales sont étendues et le financement des partis politiques est encadré.

Enfin, à partir de 2013, ce mouvement s’est encore accéléré avec la création de plusieurs acteurs majeurs comme la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, dont l’activité est centrée sur la prévention des conflits d’intérêt, le Parquet national financier, qui est chargé de poursuivre les faits de corruption les plus complexes, et en dernier lieu, l’Agence française anticorruption, créée par la loi Sapin 2.

1889

Le délit de trafic d’influence est créé suite au scandale des décorations de 1887.
Le gendre du président de la République de l’époque, Jules Grévy, était en effet accusé d’avoir négocié des participations d’hommes d’affaires dans ses entreprises en échange de l’obtention de Légions d’honneur.

1978

Création de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) par la loi n°78-753 du 17 juillet 1978. Il s’agit d’une autorité administrative indépendante qui a pour objectif de faciliter et contrôler l’accès des particuliers aux documents administratifs.

1982

La loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions marque le début de la décentralisation. Elle crée les chambres régionales des comptes qui examinent la gestion des collectivités locales.

1983

La loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires leur interdit de prendre des intérêts dans une entreprise soumise au contrôle de leur administration.

1988

Loi relative à la transparence financière de la vie politique du 11 mars 1988, qui constitue le premier texte d’un ensemble encadrant le financement des partis politiques. Cette loi intervient dans un contexte de scandales politico-financiers. Elle crée la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Avant 1988, le financement des campagnes politiques n’était encadré par encadré par aucun régime juridique précis. Après cette date, les partis politiques reçoivent une aide de l’État, qui constitue désormais leur principale source de financement et dépend de leurs résultats aux élections. En contrepartie, les dons des autres personnes morales sont interdits. Les candidats aux élections doivent respecter un plafond de dépenses fixé par la loi et peuvent également recevoir une aide publique. Pour en bénéficier, ils doivent retracer l’ensemble de leurs dépenses et recettes dans un compte de campagne, dont la gestion incombe à un mandataire financier qu’ils désignent et qui est présenté par un expert-comptable.

1991

Création du délit de favoritisme par la loi du 3 janvier 1991, qui sanctionne le non respect des principes de la commande publique. Il vise à réprimer les atteintes à la liberté d’accès des candidats dans les marchés publics en permettant de sanctionner les entorses aux règles de publicité et de mise en concurrence.

Les règles françaises de la commande publique sont prévues par deux ordonnances : les marchés publics sont encadrées par l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015, et les concessions par l’ordonnance 2016-65 du 26 janvier 2016. Ces deux textes visent à garantir les grands principes de la commande publique : la liberté et l’égalité d’accès à la commande publique, ainsi que le principe de transparence des procédures d’attribution de ces contrats

1992

La loi relative à l’administration territoriale de la République du 6 février 1992 introduit des dispositions pour plus de transparence financière et budgétaire dans les collectivités territoriales. Le débat d’orientation budgétaire préalable au vote du budget devient une étape obligatoire.

1993

Loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin » (du nom du ministre de l’Économie et des Finances de l’époque, Michel Sapin). Étape majeure dans la lutte contre la corruption en France, elle réglemente notamment le secteur des achats d’espaces publicitaires, limite la durée des contrats de délégation de service public (DSP) et institue une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable à leur signature. Enfin, elle crée le Service central de prévention de la corruption (SCPC), dont les missions se concentrent principalement sur la diffusion d’informations.


L’ONG Transparency International est fondée à Berlin en 1993 par Peter Eigen, ancien directeur de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et de l’Est et l’Amérique latine de 1975 à 1991, ainsi que par Michael J. Hershman, ancien membre des services de renseignement de l’armée américaine, Frank Vogl, conseiller en communication pour le monde de la finance également passé par la Banque mondiale, et l’homme d’affaires George Moody Stuart. La section française est créée en 1995 et est présidée depuis 2005 par Daniel Lebègue, haut fonctionnaire et économiste.

1996

Le 1er octobre 1996, Denis Robert réunit sept grands magistrats anti-corruption (Bernard Bertossa, Edmondo Bruti Liberati, Gherardo Colombo, Benoît Dejemeppe, Baltasar Garzón, Carlos Jiménez Villarejo et Renaud Van Ruymbeke) pour lancer l’Appel de Genève pour un espace judiciaire européen. Ils souhaitent obtenir une harmonisation fiscale et judiciaire européenne qui permettrait, entre autres, la levée du secret bancaire, afin de lutter contre les fraudes fiscales et le blanchiment d’argent issu de la criminalité.

1997

L’OCDE adopte une convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers. Promue principalement par les États-Unis, qui souhaitaient que leurs partenaires commerciaux soient assujettis à une législation sur le modèle du Foreign Corrupt Practices Act de 1977, elle est transposée en 2000 dans la loi française.

1999

Le Conseil de l’Europe élabore un code de conduite européen relatif à l’intégrité politique des élus locaux et régionaux.

2002

Création d’Anticor, association dédiée à la réhabilitation de la démocratie représentative, la promotion de l’éthique en politique et la lutte contre la corruption et la fraude fiscale.

2013

La loi du 11 octobre 2013 instaure la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) qui assure la prévention des conflits d’intérêts des élus et hauts fonctionnaires en contrôlant, pour certains d’entre eux, leur déclaration d’intérêts et de patrimoine.

La même année, le législateur institue le Parquet National Financier et l’Office Central de Lutte contre la Corruption et les Infractions Financières et Fiscales (OCLCIFF), chargés de mener les enquêtes sur les faits de corruption les plus complexes.

2014

Interdiction du cumul des fonctions exécutives locales et le mandat de député ou de sénateur par la loi organique du 14 février 2014. Les « fonctions exécutives locales » incluent les fonctions de maire, maire d’arrondissement, adjoint au maire, président et vice-président d’un conseil départemental, président et vice-président d’un syndicat mixte, etc.

2015

La loi NOTRe du 7 août 2015 renforce les obligations de transparence budgétaire et financière des collectivités territoriales. Elle impose aux présidents de l’exécutif d’une collectivité locale de plus de 3 500 habitants de présenter à son organe délibérant un rapport sur les orientations budgétaires, les engagements pluriannuels envisagés ainsi que sur la structure et la gestion de la dette.

La même année, la charte de l’élu local est intégrée au code général des collectivités territoriales. La charte définit les principes déontologiques encadrant l’exercice du mandat des élus. Elle est lue lors de l’installation d’une nouvelle assemblée délibérante et remise à chaque conseiller.

2016

Le 20 avril 2016 la loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires consacre les principes de probité et d’intégrité des agents publics. Elle prévoit également la désignation de référents déontologues dans la fonction publique et le droit pour tout fonctionnaire à le consulter.

Le 9 décembre 2016, la loi Sapin 2, relative à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique crée l’Agence française anticorruption. Cette Agence, dédiée à la prévention, est la dernière institution clef du dispositif français de lutte contre la corruption. Elle remplace le Service central de prévention de la corruption. L’AFA vise à répondre aux engagements de la France dans le cadre de la Convention des Nations Unies contre la corruption qui prévoit la création dans chaque État d’un organe spécifique chargé de prévenir la corruption. Elle est chargée : de mettre en place de bonnes pratiques, d’évaluer périodiquement les mesures administratives et juridiques, et de diffuser la connaissance sur la lutte contre la corruption.

2017

En septembre 2017, la loi pour la confiance dans la vie publique renforce les obligations déontologiques des membres du gouvernement et du parlement et crée des peines obligatoires d’inéligibilité en cas d’infraction à la probité. Le texte limite les recrutements familiaux dans les cabinets des collectivités locales et de leurs groupements et renforce les peines complémentaires d’inéligibilité, désormais obligatoires pour les crimes et certains délits.

Le texte s’inscrit dans le contexte de plusieurs affaires touchant de près le monde politique : Affaire Fillon, Affaire des assistants parlementaires du Front National et du Mouvement démocrate au Parlement Européen, Affaire des Mutuelles de Bretagne notamment.

2018

Création de la Maison des Lanceurs d’Alerte, qui propose aux lanceurs d’alerte une aide juridique, un appui technique, un soutien psychologique et un accompagnement médiatique. L’association est co-fondée par 17 associations et syndicats, parmi lesquels figurent Anticor, Attac, Greenpeace France, Sherpa et Transparency International France.

2019

La loi du 6 août 2019 de réforme de la fonction publique contient plusieurs dispositions sur la déontologie des agents publics. Son contrôle est confié à la seule Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er février 2020.


Une partie du contenu de cette page est emprunté au cours MOOC sur la prévention de la corruption dans la gestion locale, édité par l’AFA et le CNFPT.