Bienvenue dans cette neuvième édition de la newsletter France Corruption, éditée par le groupe Anticor de Paris et qui propose une synthèse des contenus proposés sur notre site. L’article du mois revient sur l’affaire LVMH / Polytechnique, et notre dernier podcast est consacré à l’affaire des sondages de l’Élysée. N’hésitez pas à en parler autour de vous et à nous suivre sur twitter, facebook ou instagram. Vous pouvez nous soumettre un lien, une actualité ou un correctif en répondant directement à ce mail.
Retour sur l’affaire Polytechnique / LVMH
Le 24 janvier 2023, le groupe LVMH annonce l’abandon de son projet « Gaïa » d’implantation au sein du campus de l’école Polytechnique. Ironie du sort, cette annonce tombe presque un an jour pour jour après l’échec du groupe pétrolier Total de s’implanter dans la même Ecole en janvier 2022. LVHM souhaitait créer un nouvel écosystème de recherche et de développement dédié au « luxe durable et numérique » (Gaïa est une divinité antique grecque liée à la Terre). Le groupe de Bernard Arnaud comptait investir 22 000m2 de terrain pour un montant total de 100 millions d’euros. Ce terrain est situé sur le Plateau de Saclay, en Essonne, dans la ville de Palaiseau. L’objectif derrière ce projet pharamineux ? Réunir 300 chercheurs d’ici 2026.
Les porteurs de ce projet ont vanté la création d’une alliance puissante entre le monde de l’entreprise et le monde universitaire au service de l’innovation durable et de l’économie française. Mais derrière cet optimisme affiché se cache un long travail d’influence silencieusement mené par le géant du luxe, mêlant des manias de la finance, des anciens Polytechniciens, un grand cabinet de conseil tristement célèbre, un ministère et une mairie d’arrondissement parisien.
L’affaire démarre en février 2021. M. Jean-Baptiste Voisin, tête pensante de ce projet, organise une visite privée du campus pour Bernard Arnaud. M. Voisin est le directeur de la stratégie du groupe LVMH depuis 2006 mais également secrétaire général de l’Association amicale des anciens élèves de Polytechnique. Sont également présents M. Eric Labaye, président de l’école, ainsi que M. Christian Reyne, chargé de chantier de la Fondation Louis Vuitton. Cette visite marque le début de réunions longtemps tenues secrètes entre l’X et LVMH en mai et en octobre 2021. M. Voisin a ainsi pu échanger avec des représentants d’élèves, profitant de sa double casquette d’ancien polytechnicien et de dirigeant LVMH. Le projet est officiellement présenté au public en juin 2022. Un mois plus tard, LVMH annonce faire le don de 30 millions d’euros pour la rénovation de l’antenne parisienne de l’école, située rue Descartes dans le Ve arrondissement de Paris. Ce local, surnommé la « Boîte à claque », accueille l’association dont M. Voisin est justement secrétaire général, à savoir l’association des anciens élèves. La « boîte à claque » se trouve au beau milieu des bureaux du ministère de l’enseignement et des études supérieures. Le rapport du projet de rénovation présenté par M. Voisin, est en réalité plutôt ancien puisqu’il date de 2016. Il avait été établi gratuitement par le cabinet de conseil McKinsey. Il s’avère que M. Voisin était salarié de ce cabinet avant de rejoindre LVMH en 2006.
Les bénéficiaires de cette rénovation sont nombreux. Même si le ministère affirme n’avoir aucun lien avec LVMH et Polytechnique, l’ancienne ministre Frédérique Vidal avait contacté Jacques Biot, ancien président de l’école, pour lui affirmer son soutien au projet. Le ministère devrait recevoir certaines contreparties, comme par exemple un accès privilégié aux futurs locaux rénovés. Cette rénovation concerne également des espaces verts du domaine public entretenus par la mairie du Ve arrondissement. La maire actuelle, Florence Berthout, a d’abord souhaité garder secrète l’identité de ce généreux mécène auprès du conseil municipal et des habitants. Certaines personnes estiment que ce don visait à mieux faire accepter le projet Gaia. Parmi ces personnes critiques se trouve le collectif « Polytechnique n’est pas à vendre ». Constitué d’élèves et d’anciens étudiants de l’X, ce collectif s’était déjà très fortement mobilisé contre le projet d’implantation de Total. Ils s’interrogent notamment sur la perte de sens et de légitimité de leur école, l’une des plus prestigieuses écoles de la République, dont le but initial est de former des dirigeantes et des dirigeants au service de l’intérêt général. Cet objectif leur semble incompatible avec les intérêts privés de grands groupes industriels du monde du luxe ou des énergies fossiles qui contribuent, par leur activité, à l’augmentation du réchauffement climatique.
Même si le caractère matériel du projet est abandonné, le partenariat initial entre LVMH et Polytechnique n’est pas remis en cause. Bien que le groupe de Bernard Arnaud compte s’installer dans un autre terrain, il y a aura tout de même des échanges sur fond de R&D avec l’école. Les raisons de ce revirement soudain d’LVMH sont flous, surtout que le conseil d’administration de l’école avait validé le projet en novembre dernier. Est-ce dû à la pression d’associations étudiantes et écologiques contre le projet ? Est-ce pour des raisons économiques ? Rien n’est moins sûr. Quoi qu’il en soit, la question de l’introduction de la sphère privée dans le secteur public, et notamment dans le secteur universitaire, reste entière.
Podcast : l’affaire des mutuelles de Bretagne
Retour sur l’affaire des mutuelles de Bretagne, dite aussi affaire Richard Ferrand, du nom de l’ex-président de l’Assemblée Nationale. Cet intime d’Emmanuel Macron était suspecté d’avoir profité de ses fonctions à la tête des Mutuelles de Bretagne, un organisme privé mutualiste, pour permettre à une proche d’acquérir un immeuble à moindres frais.
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À la une en mars
- La Société générale, BNP Paribas, Exane, Natixis et HSBC visées par des perquisitions dans un scandale de fraude fiscale hors norme
- Emmanuel Macron prend la défense de son secrétaire général, Alexis Kohler, mis en examen pour prise illégale d’intérêts, dans des termes inquiétants venant de celui qui est censé être le garant de l’indépendance de la justice.
- France 2 et Marianne dévoilent les dessous du fonds Marianne, lancé par Marlène Schiappa. Une des associations subventionnées, avec la plus grosse dotation, a eu un usage intriguant des deniers publics.
- Le géant pétrolier Perenco visé par plusieurs enquêtes du PNF pour des soupçons de corruption. Une perquisition a eu lieu dans ses locaux parisiens
- ISF Gate : Jérôme Seydoux est pour la première fois mis en cause dans un jugement canadien. Il aurait mis en place un trust aux Bermudes lui permettant de rapatrier des fonds en France sans payer d’impôts.
- Affaire des kits de campagne : le RN est condamné en appel à une amende de 250 000 euros.
- La Fédération française de tennis fait l’objet d’une plainte pour détournement de biens publics et corruption auprès du PNF par des cadres de l’instance.
Observatoire des pantouflages
- Laurent Collet-Billon : le « Monsieur munitions » du ministre des armées Sébastien Lecornu, travaille aussi pour les industriels du secteur.
- Jean-Baptiste Djebbari : après son passage chez Hopium, l’ex-ministre des transports est en discussion avancée avec le groupe Magellim pour créer un fonds d’investissement dédié aux infrastructures dans les énergies vertes, les transports et le numérique.
Observatoire de la probité
- Oscar Temaru : le parquet général requiert la confirmation de la condamnation du leader indépendantiste de Polynésie, et les principaux responsables de la radio municipale de Faaa, la commune dont il est maire depuis presque quarante ans.
- René Steiner : le nouveau maire LR de Saint-Avold a bloqué la sortie d’un rapport prouvant un usage abusif de fonds publics. L’agent qui a réalisé le rapport a été blacklisté.
- Thierry Albertini : trois élus de l’opposition accusent le maire de La Valette, et cinq personnes de son entourage, de nombreuses pratiques illicites.
- Joëlle Kerivin : 4 ans de prison avec sursis ont été requis contre l’ex-directrice générale du festival international de musique classique de Nantes, jugée pour avoir détourné 230 000 euros des caisses de sa société d’économie mixte.
- François Bayrou : le patron du Modem et dix autres personnes ont été renvoyées en correctionnelle dans l’affaire des assistants d’eurodéputés.
- Ary Chalus : le président du conseil régional de Guadeloupe est renvoyé en correctionnelle pour avoir falsifié ses comptes de campagne.
- Ferdinand Bernhard : l’ancien maire de Sanary, condamné en octobre 2021 par la cour d’appel de Aix pour différentes atteintes à la probité, attend le délibéré de la Cour de cassation le concernant.
- Franck Proust : la cour de cassation a examiné le pourvoi du président de Nîmes-Métropole dans l’affaire dite de la SENIM. Il sera fixé d’ici un mois.
- Jean-Marc Allain : le maire de Gorron (Mayenne) a été entendu par la police dans une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêts et favoritisme.
- Caroline Cayeux : l’ancienne ministre et élue de l’Oise est visée par une enquête du parquet de Paris pour déclaration de patrimoine incomplète ou mensongère et blanchiment de fraude fiscale.
- Henri Jibrayel : Condamné en première instance pour des faits d’abus de confiance et de prise illégale d’intérêts, l’ex-député socialiste était rejugé par la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Trente mois de prison, dont quinze mois ferme et cinq ans d’inéligibilité ont été requis contre lui.
- Jean-Marc Roubaud : l’ancien président du Grand Avignon a été relaxé pour prise illégale d’intérêts.
- André Santini : Anticor a déposé plainte contre le maire d’Issy-les-Moulineaux en raison de l’octroi de la protection fonctionnelle à l’élu ciblé par une enquête pour agression sexuelle, harcèlement moral et sexuel.
- Bruno Bezard et Jean-Dominique Comolli, deux anciens supérieurs d’Alexis Kohler, sont mis en examen pour complicité de prise illégale d’intérêt, selon “Complément d’enquête”.
- Djamal Cherad : l’ancien directeur de la mission locale de Corbeil est soupçonné d’avoir détourné 275 000 €.
- Joseph Castelli : l’ex-sénateur de Haute-Corse (de 2014 à 2020) est condamné en appel à 4 ans de prison pour corruption passive, dont 2 avec sursis.
- Thierry Lazaro : deux ans d’emprisonnement ont été requis à l’encontre de l’ancien député et actuel maire de Phalempin (Nord) pour prise illégale d’intérêts dans un programme immobilier où il avait acheté un appartement à sa belle-mère.
- Chantal Kehrig-Cottençon : la première adjointe au maire d’Hendaye a été convoquée par le tribunal correctionnel de Bayonne pour des soupçons de prise illégale d’intérêts.
- Nassimah Dindar : la sénatrice UDI sera rejugée pour prise illégale d’intérêt, pour avoir favorisé l’embauche de proches au sein du département sans respecter les règles de recrutement relatives aux emplois publics.
- Alexandre Vincendet : l’ex-maire LR de Rillieux-la-Pape et son adjointe Catherine Dupuy. En cause : une navette gratuite pour l’établissement privé Saint-Charles.
- Philippe Cochet : l’ancien député LR est dans le viseur du Parquet national financier suite à une plainte d’Anticor pour des soupçons d’emploi fictif.
- Laurent Degallaix : le maire de Valenciennes est visé par une plainte pour trafic d’influence. Une jeune femme, ancienne intime, l’accuse d’avoir abusé de son pouvoir pour lui trouver un emploi.
- Christian Favier : l’ex-président (PCF) du Val-de-Marne a été condamné à 10 000 € d’amende pour détournement d’emplois publics administratifs.
- Catherine Calmels, Claus Habfast et Alain Pilaud : l’ancienne directrice d’Alpexpo Grenoble et deux élus locaux sont renvoyées devant le tribunal correctionnel. Ils sont soupçonnés, entre autres, de favoritisme, de complicité de favoritisme et/ou d’abus de biens sociaux.