Actualité de la corruption : 2022, bilan et perspectives

Ce bilan est un travail d’observation citoyen sur l’année passée, établi à partir de la revue de presse faite quotidiennement sur le site. Il ne prétend ni à l’exhaustivité ni à l’objectivité, mais à fournir à nos lecteurs des portes d’entrée sur les enjeux liés à la corruption. Il sera publié dans un format mis en page, en PDF, au début de l’année prochaine. Nous rappelons que sauf mention explicite d’une condamnation non susceptible d’appel, toutes les personnes mentionnées sur ce site sont présumées innocentes.

1er décembre
Les affaires judiciaires des ministres se multiplient sans qu’ils ne soient écartés

On constate cette année que la « jurisprudence Beregovoy-Balladur », qui voulait qu’un ministre mis en cause dans une affaire judiciaire et a fortiori mis en examen se devait de quitter le Gouvernement, n’est plus appliquée. Dans le passé, plus d’une vingtaine de ministres de droite comme de gauche ont ainsi démissionné pour ne pas entacher la crédibilité de leurs gouvernements. En 2022, le citoyen n’en finit plus de compter les ministres concernés par des affaires judiciaires.

Le ministre des Comptes Publics devenu ministre du travail Olivier Dussopt fait l’objet d’une enquête pour corruption, le ministre des Armées Sébastien Lecornu également, pour prise illégale d’intérêts. Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, est mis en examen.

L’an dernier, Jean-Michel Blanquer était mis en cause dans l’affaire du syndicat Avenir Lycéen. Et tout récemment, Agnès Pannier-Runacher est mise en cause par une enquête de Disclose pour ses liens avec l’entreprise familiale qui détient plus de 1 million d’euros dans des paradis fiscaux.

Or, tous se prévalent devant les médias du soutien inconditionnel du chef de l’État qui ne les ont pas écarté ou ne les écartent pas du gouvernement. Il a fallu attendre qu’Alain Griset soit condamné pour qu’il quitte le gouvernement. L’exemplarité ne s’appliquerait-t-elle plus aux ministres ?

2 décembre
L’impunité des proches du pouvoir en passe de devenir la règle.

De 2017 à 2022, les médias comptent plus de 40 affaires touchant les proches du Président de la République : c’est ce que relève notamment le décompte de Mediapart. Du jamais vu sous la Vème République. Pourtant peu sont écartés, pire encore, les plus hauts conseillers sont confortés dans leur rôle auprès de l’Elysée.

Alexis Kohler reste secrétaire général de l’Elysée malgré sa mise en examen pour prise illégale d’intérêt.

Thierry Solère selon ses propres termes « continue à accompagner politiquement » le chef de l’Etat malgré ses mises en examen pour…13 chefs d’accusation.

À la demande d’Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy a représenté la France, mardi 27 septembre, aux obsèques de l’ancien premier ministre japonais. Le fait que Nicolas Sarkozy ait été condamné deux fois par la justice, notamment pour « corruption », et soit lourdement mis en examen dans l’affaire libyenne, notamment pour « association de malfaiteurs », ne semble rien changer pour l’Élysée.

En novembre, Brigitte Macron invitait Mimi Marchand à « tenir bon » après sa sortie de prison et condamnait le traitement de la justice à son égard, qu’elle juge « dégueulasse ». Mise en examen pour avoir négocié la rétractation de Ziad Takieddine dans l’affaire des financements libyens de Nicolas Sarkozy, Mimi Marchand avait été incarcérée pour violation de son contrôle judiciaire. Là encore, pas d’incidence sur ses rapports avec l’Élysée.

Pourtant, l’exigence citoyenne de probité était un axe de campagne fort du candidat Macron, qui déclarait en 2017 : « Le principal danger pour la démocratie est la persistance de manquements à la probité parmi les responsables politiques »

3 décembre
Le Ministère de la Justice pas épargné par les atteintes à l’État de droit.

Un ministère aurait logiquement dû rester épargné par les affaires judiciaires : celui du Garde des Sceaux, garant de la Justice et plus encore de l’indépendance de cette dernière, rendue au nom du peuple français.

Or le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, est non seulement mis en examen mais renvoyé devant la Cour de Justice de la République (CJR), malgré ses multiples requêtes et pourvoi. Il est soupçonné d’avoir profité de sa fonction pour régler ses comptes avec des magistrats qu’il n’avait pas appréciés lorsqu’il était avocat. Une atteinte en règle de l’État de droit qu’il est censé protéger, et du principe de la séparation des pouvoirs.

Dès avant sa nomination en tant que ministre, Dupond-Moretti avait tenté de discréditer les magistrats du Parquet National Financier (PNF) en charge des investigations dans l’affaire Bismuth-Sarkozy, dans laquelle il intervenait en tant qu’avocat. Il dénonçait des méthodes « barbouzardes » et la « République des juges » qui pratiqueraient une « petite cuisine familiale ».

Pourtant les magistrats du PNF ont été blanchis cette année suite à l’enquête administrative qu’il a lui même ordonné, le CSM estimant qu’ils n’avaient « commis aucune faute disciplinaire ».

Le même schéma s’est répété avec l’ex-juge d’instruction à Monaco Edouard Levrault. En 2020, Dupond-Moretti était avocat du responsable de la police judiciaire monégasque mis en examen par ce magistrat français lorsqu’il était détaché dans la Principauté. En tant que ministre, il avait engagé des poursuites pénales et disciplinaires contre lui. Mais le CSM l’a blanchi, estimant que l’obligation de réserve à laquelle sont tenus les magistrats « ne saurait servir à réduire un magistrat au silence ou au conformisme ».

Ce n’est pas la seule casserole qui entache la réputation du Ministre de la Justice. En février, Mediapart révélait qu’il avait reçu, lorsqu’il était avocat, 100 000 € d’honoraires d’une société aux Seychelles dont il n’a pourtant jamais été le conseil.

Eric Dupond-Moretti est toujours en poste en dépit de ces éléments qui jettent le doute sur son impartialité à la tête du ministère. Pourtant, à aucun moment Emmanuel Macron n’a demandé sa démission. Pire, il s’est vu maintenu à son poste en dépit du changement de gouvernement.

4 décembre
Des élus d’opposition affaiblis par leurs propres affaires judiciaires.

L’accumulation historique d’affaires judiciaires dans l’entourage d’Emmanuel Macron devrait logiquement ouvrir un boulevard à la contestation des oppositions. Or, les citoyens constatent un silence pesant et embarrassé à droite comme à gauche. Les oppositions ne sont en effet elles-mêmes pas en reste d’affaires variées.

À l’extrême droite, le RN et Marine Le Pen sont mis en examen pour « détournement de fonds publics » dans l’affaire des emplois fictifs des assistants parlementaires européens. La candidate et ses proches sont aussi accusés par l’Office Européen antifraude d’avoir détourné plus de 600 000 € de fonds publics. L’eurodéputé Thierry Mariani est visé par une enquête pour corruption en lien avec la Russie et de trafic d’influence en lien avec Dialogue franco-russe, l’association qui co-préside.

Les Républicains sont cernés par les affaires. Nicolas Sarkozy sera jugé en appel à partir de demain dans l’affaires écoutes (ou affaire « Bismuth »). Sans parler bien sûr des autres affaires dans lesquelles il est mis en cause : financement libyen de campagne, attribution du Mondial au Qatar, Bygmalion… Rachida Dati, déjà mise en examen pour corruption passive, recel d’abus de pouvoir et trafic d’influence dans l’affaire Ghosn, intéresse désormais la justice en raison de ses relations avec un mis en examen dans l’affaire PSG/Qatar.

A gauche, on note les mises en examen de Marie-Pierre Oprandi et du député Bastien Lachaud ainsi que des investigations à l’égard de Sophia Chikirou en lien avec les comptes de campagne de 2017. La députée LFI de Paris pourrait être mise en examen pour « escroquerie aggravée » dans le cadre de cette enquête.

Le PCF est embarrassé par l’affaire Roussel : son secrétaire national est soupçonné d’avoir été payé comme assistant d’un député entre 2009 et 2014 sans avoir réellement travaillé pour l’Assemblée nationale.

Les oppositions ne jouent donc pas leur rôle de vigie et d’aiguillon sur les affaires d’atteinte à la probité, effrayées à l’idée d’attirer l’attention sur leurs propres cas : ce sont les citoyens qui en pâtissent.

5 décembre
Exigence citoyenne de probité : quatre propositions

Première proposition : rendre le parquet indépendant. Dans le système judiciaire, les procureurs décident d’initier ou pas des poursuites suite à des faits portés à leur connaissance : c’est que l’on appelle « l’opportunité des poursuites ». Mais parallèlement, l’évolution de leur carrière dépend directement du ministre de la Justice dans le système actuel. Il est donc difficile pour eux de lancer des poursuites contre des personnalités qui seraient en lien direct ou indirect avec le Ministre (amis, même famille politique, etc…), un membre du gouvernement ou un élu proche du pouvoir. Il faut donc rendre le parquet indépendant du pouvoir exécutif : c’est ce que proposait un collectif d’avocats, de procureurs, de magistrats et de chercheurs en janvier.

Deuxième proposition : pratiquer la mise en retrait automatique des élus et membres du gouvernement impliqués dans des affaires judiciaires, à minima dès leur mise en examen, afin de protéger leur fonction et ne pas jeter le doute sur leur action politique.

Troisième proposition : supprimer la Cour de Justice de la République. Constitutionnellement, la CJR est la seule juridiction compétente pour juger des actes des Membres du Gouvernement. Dans cette cour, les juges sont des députés et sénateurs. Ce sont donc des personnalités politiques, qui jugent d’autres personnalités politiques, ce qui pose un risque majeur de complaisance. Mediapart relevait qu’aucune peine de prison ferme n’a été prononcée par la CJR depuis son premier procès, en 1999. Parce que l’égalité devant la loi est un principe fondateur de notre République, la CJR doit être supprimée.

Dernière proposition : Inscrire dans la Constitution le principe selon lequel ne peuvent faire acte de candidature les personnes dont le casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour une infraction délictuelle d’atteinte à la probité. Anticor prône l’exemplarité des élus, non seulement en matière de probité, mais, plus largement, dans tous leurs comportements. On imagine mal une personne condamnée pour corruption pouvoir se présenter à une élection ou rester à un poste à responsabilité publique. C’est un impératif logique dans un contexte de défiance généralisée envers nos responsables politiques.

6 décembre
Dévoiement de la fonction publique : pantouflage, lobbying et conseil.

La mission de la fonction publique est de servir l’intérêt général dans un esprit de neutralité, d’équité et de solidarité. Or, depuis plusieurs années les citoyens constatent une dérive inquiétante : son dévoiement au profit d’intérêts privés. On assiste effet à une influence de plus en plus forte des lobbys et à une emprise du privé sur les décisions politiques dictées à l’administration, au point de voir parfois passer directement dans la loi ou dans un règlement le texte fourni par une agence de lobbyiste.

Le travail du législateur et des administrations publiques s’en trouvent délégitimés. Ce fut le cas notamment de la Convention Citoyenne pour le Climat.

Sous la présidence d’Emmanuel Macron, le recours aux cabinets privés a connu une nette accélération, au point que Bruno Le Maire lui-même a récemment reconnu des « abus ».

Pendant que les services de l’État se sont vus privés de ressources, les cabinets de conseil ont bénéficié de budgets très conséquents pour produire, de l’avis général, des analyses médiocres. Le Sénat s’en est inquiété.

Parallèlement, on note un nombre toujours plus élevé de passage d’acteurs de l’administration publique et des ministères vers le privé : Jean-Baptiste Djebbari, Muriel Pénicaud et son cabinet, Frédérique Vidal, etc.

La liste en est si longue qu’Anticor a créé un observatoire citoyen dédié à la question.

Cette porosité fait planer un doute : comment être sûrs que le sens de l’intérêt général est préservé dans ces allers-retours public-privé ? Il est urgent que cette pratique soit davantage contrôlée. La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) fait un travail salutaire mais a besoin de bien davantage de moyens pour remplir sa mission.

Rappelons la Déclaration des droits de l’homme de 1789 : « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics […] sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

7 décembre
Particuliers et grands groupes évitent massivement l’impôt.

Il n’y a pas de démocratie sans imposition. « Une contribution commune est indispensable, elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés. » (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen).

Or, les entreprises, et notamment les grands groupes, semblent de moins en moins enclins à contribuer à hauteur de leur dû. Cette année, on a notamment vu les stratégies d’évitement de l’impôt de Total, de McDonald’s, qui a fait la une des médias pour avoir tenté d’échapper à l’impôt en France et a dû s’acquitter d’une amende de 1,25 milliards de dollars, ou encore d’UBS, condamnée en appel à 1,8 milliard d’euros en amende, confiscation et dommages et intérêts pour avoir envoyé des commerciaux suisses en France pour « chasser » les riches clients de sa filiale française.

Le secteur bancaire est particulièrement concerné, mais il est loin d’être le seul : le luxe, par exemple, l’est aussi.

On est en droit de se demander quel rôle joue le Ministère des Finances lorsque Bercy, actionnaire de grands groupes, autorise ceux-ci à installer leur holding dans des pays étrangers à basse fiscalité, privant la France de rentrées fiscales.

On peut également s’étonner que des sociétés continuent à remporter des marchés publics, notamment pour conseiller l’État quand les règles de la commande publique exigent pourtant que les prestataires retenus soient à jour de leurs obligations fiscales.

Quel exemple est donné aux français quand celui qui a dirigé le MEDEF, l’ancien « patron des patrons », Ernest-Antoine Seillière, est condamné à 3 ans de prison avec sursis… pour fraude fiscale ?

Où est l’exemplarité lorsque la HATVP relève poliment que des ministres ont “sous-estimé” leur patrimoine ? C’est le cas de Laural Flessel, Jean-Paul Delevoye, Alain Griset, et tout récemment de Caroline Cayeux. Dans ce dernier cas, la HATVP a saisi la justice pour suspicion de fraude fiscale.

Le Président de la République lui-même, primus inter pares, avait été épinglé pour avoir sous-estimé son patrimoine en 2016 et a du régulariser sa situation auprès de l’administration fiscale.

Le consentement à l’impôt parmi les citoyens repose sur le fait que tous contribuent à hauteur de leur moyens. Éviter l’impôt sape les fondements de notre démocratie et fragilise l’ensemble des services publics.

8 décembre
Vers une justice à la carte ? CJIP et règlement d’ensemble.

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». L’adage de La Fontaine serait-il toujours vrai aujourd’hui ?

La Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP) est une procédure copiée des États-Unis en 2016, qui permet à une entreprise d’échapper au procès pénal en contrepartie du paiement d’une amende et de l’obligation respecter les règles à l’avenir. L’objectif officiel : rendre des jugements plus rapides, et plus efficaces, en « tapant au portefeuille » les entreprises. Dans les faits, c’est surtout le choix d’instaurer une justice en catimini, sans procès, plutôt que d’allouer à la Justice les ressources nécessaires. La montée en puissance des CJIP se fait parallèlement à une dégradation très forte des conditions dans lesquelles est rendu la justice. Magistrats, greffiers, avocats sont tous d’accord sur ce constat.

La CJIP est une procédure non-publique, opaque et discrétionnaire, à la main du Procureur de la République. Les victimes n’ont ainsi pas le droit d’exiger un procès. C’est ce qu’a illustré la CIJP conclue entre par LVMH dans l’affaire d’espionnage du journal Fakir.

Parce qu’elle ne débouche sur aucune condamnation pénale, la CJIP permet aux entreprises mises en cause pour corruption, blanchiment, trafic d’influence de continuer à répondre à des appels d’offre publics, ce que les règles de la Commande publique interdisent. Telles ces entreprises sous-traitantes d’EDF.

Les sociétés n’ont pas même à reconnaître leur méfait : ainsi Crédit Suisse, dès sa CJIP signée, a publié un communiqué rappelant qu’elle ne valait pas reconnaissance de culpabilité.

La promesse d’exemplarité lors de la signature d’une CJIP n’est d’ailleurs pas toujours au rendez-vous : Airbus a déjà conclu une CJIP et payé 2 milliards d’euros d’amende fin 2020… et elle en signait une nouvelle la semaine dernière dans une affaire de corruption en Libye.

Auparavant réservées aux faits d’atteinte à la probité comme la corruption et le trafic d’influence, les CJIP s’étendent désormais au domaine de la fraude fiscale. C’est un beau tour de passe-passe : la Justice n’ayant pas les ressources fiscales lui permettant de juger, on lui a substitué un simulacre de justice qui permet aux fraudeurs détournant la manne fiscale de ne pas être condamnés pénalement.

Jusqu’où vont les arrangements de certaines entreprises avec la Justice et le fisc ? Le Parlement a exigé un rapport sur les négociations opaques menées discrètement en coulisses dans le cadre de « règlements d’ensemble ».

Magistrats, associations de lutte contre la corruption, associations de contribuables, certains élus, montent au créneau pour dénoncer ces transactions et cette justice à deux vitesses que certains se permettent d’acheter en toute impunité.

9 décembre
Y-a-t-il une volonté de lutter contre les paradis fiscaux ?

Manque de ressources pour la hustice, l’école, l’hôpital, la recherche, les transports publics, l’université ? Si les paradis fiscaux sont l’eden de certaines fortunes, ils sont surtout l’enfer des services publics. Que représentent les montants soustraits à l’impôt dans les différents pays et dissimulés dans les paradis fiscaux ? On parle d’environ 1000 milliards €, 171 fois le budget de l’Éducation Nationale en France.

Devant l’importance de la manne fiscale échappant au budget de l’État, on imaginerait volontiers que le gouvernement français mette tout en œuvre pour interdire, contrôler, sanctionner cette gigantesque évasion. Surtout après l’emblématique affaire Cahuzac, censée avoir servi d’exemple.

La réaction est au mieux molle : le gouvernement se contente de modifier sa liste noire une fois par an sans y faire figurer les attractives juridictions à faible fiscalité (le Liechtenstein, la Suisse, Singapour, l’Irlande, les Pays-Bas n’y figurent pas).

Ceux qui dénoncent l’évasion fiscale se heurtent plus souvent qu’à leur tour à un silence complet, tels les salariés de GE qui ont interpellé le gouvernement sur l’évasion de leur employeur.

Pourtant les données sur l’évasion fiscale ne manquent pas : faute d’investigations de la part du gouvernement, des collectifs de journalistes s’en sont très sérieusement chargés. Panama Papers, LuxLeaks, Paradise Papers, Pandora Papers : les faits sont amplement documentés.

Peut-on jeter le blâme sur les inspecteurs des finances publiques qui n’enquêteraient pas ou sur les magistrats qui ne condamneraient pas ? Non : ils sont chaque année amputés de ressources et de personnel et le dénoncent fortement.

Est-ce alors à voir avec quelques intérêts particuliers ? Ces enquêtes très précises ont permis de révéler qu’un nombre de personnalités politiques et économiques privilégient les paradis fiscaux pour y abriter leurs avoirs. On y trouve un député parisien LREM, Sylvain Maillard, lié à une société offshore installée aux Seychelles. L’affaire Pannier Runacher a révélé que la ministre en exercice détiendrait pour ses enfants un fonds d’avoirs spéculatifs provenant de paradis fiscaux.

Les Panama et Pandora Papers ont mis en lumière que d’autres dirigeants européens avaient également recours aux paradis fiscaux: Tony Blair, le premier ministre tchèque Andrej Babis…

L’Union Européenne s’avère réticente à agir contre les paradis fiscaux, chaque pays ayant des liens privilégiés avec certains voisins : France et Monaco, Espagne et Andorre, Allemagne et Liechstenstein.

La Cour de Justice de l’UE vient même de rendre la lutte contre l’évasion fiscale plus difficile en empêchant que les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés européennes soient accessibles à tout membre du grand public.

L’évasion fiscale et les paradis fiscaux créent un manque à gagner fiscal pour les États, dégradent les services publics, détruisent des emplois, et permettent au crime organisé de blanchir ses revenus illégaux en toute impunité.

10 décembre
Public-privé, évasion fiscale : quatre propositions

Première proposition : mieux encadrer les aller-retours public-privés. Cela passe par un renforcement majeur des moyens de contrôle de la HATVP, et par une volonté politique de ne plus tolérer les situations “à risque”.

Deuxième proposition : exiger le reporting pays par pays (ou “CbCR”) pour les entreprises, avec des critères plus durs que ceux en vigueur actuellement, qui n’obligent à publier que des données agrégées.

3e proposition : pour les personnes morales, remplacer la CJIP, dont nous avons détaillé le mécanisme et les limites, par la Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). La CRPC permet au procureur de la République de proposer dans le cadre d’une procédure pénale, directement et sans procès, une ou plusieurs peines à une personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés. C’est le “plaider coupable à la française“. Si la personne conteste les faits ou la peine proposée, le procureur peut alors saisir le tribunal correctionnel.

4e proposition : faire sauter le verrou de Bercy, c’est-à-dire le monopole du ministère du budget en matière de poursuites pénales pour fraude fiscale. Médiatisé à partir des affaires Cahuzac, il a été aménagé en 2018. À cette date a été instauré un mécanisme de transmission automatique au parquet des affaires qui donnent lieu à des pénalités administratives importantes, avec un seuil à 100 000 €. Il faut faire sauter ce seuil.

11 décembre
Le contrôle du financement des campagnes pose toujours problème.

C’est un serpent de mer de la corruption : le sujet des financement de campagnes revient régulièrement sur la table, à tous les échelons (région, assemblée, présidence de la République). Cette année, on a ainsi vu une enquête ouverte pour détournement de fonds publics concernant la campagne présidentielle de Valérie Pécresse. Mais aussi deux autres, respectivement pour “favoritisme et recel de favoritisme” et “tenue non conforme de comptes de campagne et minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne” concernant celle d’E. Macron, en lien avec McKinsey.

En octobre, le procès en appel de l’affaire des kits de campagne du RN rappelait les législatives de 2012 à notre bon souvenir. Fin novembre, Claude Guéant était condamné à six mois de prison ferme aménagés pour escroquerie de frais de campagne. L’accusation lui reprochait d’avoir sciemment minoré ses comptes de campagne lorsqu’il était candidat à la députation dans les Hauts-de-Seine en 2012 et d’avoir ainsi obtenu un remboursement indu de plus de 30 000 euros.

Face à la multiplication de ces affaires, la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) apparaît aujourd’hui complètement dépassée par les enjeux. Concernant les scrutins présidentiels en particulier, elle n’a su détecter aucune des graves irrégularités soupçonnées d’avoir entaché ceux de 1995 (affaire Karachi), 2007 (supposé financement libyen) et 2012 (affaire Bygmalion).

Le contrôle a posteriori des comptes de campagne ne répond pas aux particularités de l’élection présidentielle car même en cas d’invalidation des comptes de campagnes, les résultats de l’élection ne peuvent être remis en cause.

Il est urgent de la réformer et de lui donner des outils à la mesure de l’importance de sa mission.

12 décembre
Des affaires liées au financement des partis et aux indemnités d’élus.

L’indemnisation des élus, leur formation, et le financement de leurs partis : les trois sujets se sont souvent croisés dans des affaires sorties cette année et les précédentes.

Ainsi dans l’affaire des assistants parlementaires, les enquêteurs de l’OCLCIFF estiment que le RN a mis en place, “un système organisé frauduleux de détournement des fonds européens à son profit, par le biais d’emplois fictifs d’assistants parlementaires”.

Dans l’affaire des comptes de campagne LFI de 2017, la justice reproche aux mis en cause (présumés innocents) d’avoir déclaré à la Commission nationale des comptes de campagne des prestations fictives ou d’en avoir surfacturé pour se faire rembourser des sommes indues par l’État.

L’an dernier, Mediapart révélait les faiblesses structurelles de la formation des élus et de son dispositif principal, le droit individuel à la formation des élus locaux (DIFE), très souvent détourné au profit de structures “amies” des partis, et dont la réalité matérielle des formations fournies n’est que très rarement vérifiée.

Ce problème s’est illustré cette année avec l’école fondée par Marion Maréchal Le Pen, l’Issep, véritable business des formations onéreuses prises en charge par la Caisse des dépôts.

En octobre, la région Auvergne Rhône Alpes signalait au procureur des pratiques liées à la formation du groupe Les Ecologistes : un élu employé par un organisme de formation et une élu émargeant à une formation alors qu’elle était à un autre événement. Le signalement intervenait peu de temps après les révélations de Mediapart sur le “dîner des sommets” de Laurent Wauquiez et pourrait avoir servi de contre-feu, il faudra attendre que la justice fasse son travail pour en vérifier la matérialité. Mais cette pratique est en tout cas monnaie courante : en 2021, Mediapart évoquait le cas de “Libra”, organisme de formation dont plusieurs membres (notamment Pierre Liscia) sont liés à Libres!, le micro-parti de Valérie Pécresse.

13 décembre
Menaces sur les médias : concentration et réforme de l’audiovisuel public

L’année écoulée s’est caractérisée par une forte accélération de la concentration dans le secteur des médias, alors qu’il s’agit d’un pilier essentiel de la démocratie. Au cœur de cette question : les ambitions dévorantes de Vincent Bolloré, milliardaire propriétaire de Canal+, Cnews, mais aussi de l’agence Havas qui alimente en publicité de nombreux autres médias. Le chef d’entreprise est connu pour ses méthodes, faites de coupes budgétaires, d’infotainment, mais d’intimidations et de menaces envers les journalistes d’investigation.

Cet été, son groupe Vivendi a renoncé à ce qui était son grand projet : la fusion d’Hachette et d’Editis. L’idée avait suscité l’hostilité de toute la profession et risquait d’être bloqué par la Commission européenne. Le projet aurait permis à Vincent Bolloré de contrôler « 70% de l’édition scolaire, plus de 50% du livre de poche, les deux dictionnaires Larousse et Le Robert, et plus d’une centaine de maisons d’édition comme Plon, La découverte, Fayard ou encore Grasset ».

Dans le domaine des médias d’information, se pose la question de pouvoir parler librement des affaires dans lesquelles le milliardaire est impliqué, notamment son procès pour corruption au Togo. On a notamment vu sur CNews une séquence d’insultes publique d’un député qui osait évoquer le sujet.

Au début de l’année, une commission sénatoriale s’est penchée sur la question de la concentration des médias, et a notamment auditionné Bernard Arnault, Vincent Bolloré, Arnaud Lagardère et Xavier Niel. Elle s’est tenue dans le contexte de la préparation de la fusion TF1-M6, autre événement à haut risque pour la diversité de l’information, finalement abandonné à la rentrée.

Du côté de l’audiovisuel public, une autre menace pointe : celle du financement. Le gouvernement vient en effet de supprimer la redevance audiovisuelle, soit 3,2 milliards d’euros sur les 3,8 versés cette année à l’audiovisuel public. Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, cette mesure déstabilise le financement des médias de service public et le rend dépendant des équilibres politiques du moment alors qu’il ne devrait pas l’être. C’est un vrai risque de régression démocratique.

Le contexte médiatique est donc très tendu et doit faire l’objet d’une vigilance citoyenne toute particulière.

14 décembre
Menaces sur les médias : procédures-bâillons, fake news, secret des affaires.

En sus des questions liées à leur financement, plusieurs menaces planent sur l’indépendance des médias.

2022 a vu se multiplier les procédures-bâillons, visant à intimider les journalistes et à empêcher ou retarder la publication d’informations. On l’a vu tout récemment avec l’actionnaire principal de Camaïeu qui a attaqué en justice le Monde et une de ses journalistes. L’action fait suite à la publication d’articles sur la reprise de Gap par la Financière immobilière bordelaise (FIB) et sa filiale, Hermione People and Brands (HPB), repreneur de Camaïeu en 2020. L’actionnaire réclame 50 millions d’euros.

On l’a vu aussi avec le site Reflets qui a fait l’objet d’une censure préalable au nom du secret des affaires par le groupe Altice, propriété de Patrick Drahi. Le titre était poursuivi pour une série d’articles réalisés à partir d’informations issues d’une fuite de plusieurs centaines de milliers de documents internes au groupe et mis en ligne sur le Web au mois d’août.

Troisième cas d’espèce : l’affaire Gaël Perdriau, dont l’avocat a obtenu la censure préalable pendant 12 jours d’un article de Mediapart dénonçant ses méthodes de calomnie. Très contestée, cette décision judiciaire de censurer de manière préalable une information de presse a donné lieu à un procès essentiel pour la liberté d’informer le public. Une catastrophe judiciaire heureusement annulée.

Autre menace : les fake news, dont l’affaire Avisa Partners révélée notamment par Fakir et Mediapart, a fourni un exemple frappant. Articles bidon, médias complices, opérations de déstabilisations pour des grands groupes… Cette agence de communication qui agit dans l’ombre a ses entrées, puisque la porte parole du gouvernement Olivia Grégoire y a travaillé. La société a d’ailleurs fait censurer un article de la voix du Nord à ce sujet. Elle a aussi engagé des poursuites en diffamation contre Reflets, Arrêt sur Images, Mediapart et Next INpact, et mis en demeure Next INpact et l’ADN.

Entremêlée à ces deux menaces, la question du secret des affaires est au cœur de l’opacité organisée des entreprises. La loi de 2018 s’est révéler être un moyen efficace pour contrer la liberté d’informer et empêcher un légitime contrôle démocratique. Au nom de ce secret, la CADA a par exemple interdit au Monde d’avoir accès à la liste des fabricants d’implants médicaux homologués par le LNE/G-MED, seule société habilitée en France à contrôler la conformité de nombreux dispositifs médicaux.

15 décembre
Financement de la vie démocratique et des médias, que faire ?

Proposition 1 : contrôler les comptes de campagne au fil de l’eau. En janvier dernier, les associations anticorruption Anticor et Transparency France lançaient un appel aux candidats à la présidentielle 2022 pour les inviter à publier volontairement leurs comptes de campagne. Seuls 5 des 12 candidats officiels à cette élection présidentielle ont répondu : Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud. Seul un candidat, Yannick Jadot, a adopté l’ensemble des bonnes pratiques proposées. Il serait tout à fait envisageable de généraliser le dispositif en le rendant obligatoire, et contrôlé en direct par la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des financements Politiques (CNCCFP).

Proposition n°2 : rendre transparente l’utilisation de l’Indemnité Représentative de Frais de Mandats (IRFM), devenue avance de frais de mandat (AFM). C’est le sens du combat mené par l’association Regards Citoyens devant la CADA, puis le tribunal administratif, le Conseil d’État et désormais la CEDH. L’absence d’un dispositif efficace de contrôle des dépenses des parlementaires, et singulièrement des députés, au titre de leurs frais de représentation rend crucial le droit d’accès des citoyens aux justificatifs des députés.

Proposition n°3 : faire certifier les comptes des partis percevant de l’argent public par la Cour des Comptes.

Proposition n°4 : veiller à l’indépendance des médias en appliquant les mesures proposées par Julia Cagé : statut de « société de médias à but non lucratif », création de « Bons pour l’indépendance des médias » qui remplaceraient les aides à la presse actuelles ou encore nouvelles contreparties aux aides à la presse et à l’attribution de fréquences audiovisuelles, notamment l’obligation d’impliquer les journalistes dans la gouvernance et l’évolution de leur entreprise, et davantage de transparence sur l’actionnariat.

16 décembre
Atteintes à la probité des élus locaux, une tendance générale à la baisse

Contrairement à une idée reçue, la très grande majorité de nos élus locaux sont honnêtes : sur 579 484 élus locaux, le taux de mis en cause toute infraction confondue n’est que de 0.319%, comme le constate les différents rapports sur ce sujet.

Selon ce même rapport, les infractions à la probité sont de loin le premier type de mise en cause des élus et fonctionnaires territoriaux. Avec une tendance nette à la hausse des procédures judiciaires depuis le milieu des années 2000, mais un nombre de condamnations qui n’augmente pas proportionnellement. C’est d’autant plus frappant que dans la population générale, on constate une hausse nette des infractions à la probité (+28%), ce dont témoigne l’analyse produite par l’AFA et lnterstats pour la première fois cette année, sur la période 2016-2021.

La corruption et le détournement de fonds publics sont les délits les plus courants. Dossier complet à retrouver ici.

Sur la période 2016-2021, l’observatoire SMACL constate que plus d’élus sont poursuivis mais qu’ils sont tendanciellement moins condamnés. Et les premiers éléments de la période en cours semblent confirmer cette tendance. Pour autant, les atteintes à la probité continuent de concerner les élus et le secteur public au premier chef, comme en témoigne l’analyse des types d’infractions concernées.

La corruption publique, le détournement de fonds publics et la prise illégale d’intérêts par les élus constituent une part centrale de ces dernières. Elles ont un impact majeur sur la perception par les citoyens du niveau de corruption dans le pays.

17 décembre
Les atteintes à la probité, principal motif d’inculpation des élus

Malgré un arsenal renforcé de lois et de règlements qui encadrent le comportement de nos élus locaux, force est de constater que les scandales « de proximité » ont un impact désastreux sur la confiance dans les institutions de notre démocratie représentative.

Dans son enquête nationale sur « la prévention et détection des atteintes à la probité au sein du secteur public local », l’Agence française anticorruption montre que ses recommandations sont encore loin d’être appliqués au sein de toutes les structures.

Seules 9,6 % des communes ont des dispositifs ou mesures anticorruption, contre 22,2 % pour celles de plus de 10 000 habitants. Et « de simples mesures anticorruption éparses sont encore majoritaires par rapport à des dispositifs formalisés de type Sapin II » selon l’AFA. À l’échelle locale, les effets des affaires de corruption d’élus locaux sont désastreux. On en a eu une illustration récemment avec la condamnation de Renaud Chervet, haut fonctionnaire territorial au conseil général Bouches-du-Rhône.

Ce dernier touchait des pots-de-vin contre la promesse d’attribution de marchés publics. Comme l’a relevé le procureur : « On a parlé avec un peu d’humour de système à la marseillaise. C’est terrible de se dire qu’à Marseille ça se passe comme ça, que c’est normal ». Chez les autres prévenus, l’idée s’est installée qu’il s’agit de démarches commerciales, des « gentillesses », que cela « fait partie du commerce » et que les « renvois d’ascenseur » sont normaux.

« Nous n’avons plus affaire à des fonctionnaires, ni à des chefs d’entreprise, nous avons affaire à des mafieux ». La vrai risque est là : la corruption locale nourrit une culture profondément antidémocratique. L’affaire des achats de voix de Corbeil Essonne, dans laquelle l’ancien maire Jean-Pierre Bechter a été condamné à deux ans de prison avec sursis en appel, en est une autre illustration.

Elle montre que la corruption se développe de façon systémique. L’achat de voix se fait via des fonds dissimulés à l’étranger, des équipes sont recrutées pour faire pression sur les électeurs, les places en crèche et les marchés publics sont distribués de façon discrétionnaire… Bruno Piriou, le nouveau maire de la ville, témoigne : « ce système laisse des traces compliquées à résoudre : on a eu affaire à ceux qui touchaient de l’argent des employés communaux, on doit gérer avec le système vicié de la municipalité précédente qui a distribué des subventions, des HLM, des emplois, des marchés de complaisance… Le fait de gagner les élections ne nous donne pas le pouvoir de tout remettre d’équerre du jour au lendemain. »

La lutte contre la corruption locale n’est pas un combat accessoire par rapport aux affaires « nationales », c’est au contraire par là qu’il faut commencer pour rétablir la probité en politique. C’est toujours dans un contexte local que les futurs élus nationaux font leurs armes.

18 décembre
Barons locaux et clientélisme, un vrai défi.

Parlons aujourd’hui du conflit d’intérêt, dont l’importance au niveau local est majeure. Il peut se concrétiser en différents délits d’atteinte à la probité : corruption, prise illégale d’intérêt, trafic d’influence, favoritisme. Il est important de détecter et prévenir ces délits, que ce soit par la cartographie des risques, la mise en place de répertoire des représentants d’intérêts, la traçabilité des rencontres entre les élus et ces derniers etc. À l’échelle locale, cela peut s’avérer difficile.

La loi 3DS a mis en place un référent déontologue pour les élus locaux, que tous ont le droit de consulter. Il est chargé de d’apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés par la charte de l’élu local (loi du 31 mars 2015). Cette loi parue en février permettra d’accélérer la mise en place du dispositif. Auparavant les villes étaient livrées à elles-mêmes et seules quelques grandes collectivités ont mis en place une instance déontologique pour leurs élus. C’est le cas de Strasbourg, Paris et Nice (2014), Toulouse et Dunkerque (2015), Nantes (2020), Lyon et Lille (2021), et de quelques régions (PACA, IDF et Grand-Est en 2016 ; Bourgogne Franche-Comté et Nouvelle Aquitaine en 2017, Hauts-de-France en 2018).

Pour les élus locaux, une des difficultés est de différencier les contacts avec le “terrain” et les acteurs économiques locaux, des situations de conflit d’intérêt. Discuter de son activité professionnelle avec le maire de la commune doit-il être considéré comme du lobbying ? La question se pose notamment dans la perspective de l’extension du répertoire des représentants d’intérêts tenu par la HATVP au monde local, qui est entrée en vigueur au mois de juillet, dans un certain flou juridique. À la fin 2021, dans un rapport dédié au sujet, la Haute Autorité reconnaissait les risques liés à cette extension.

Éviter les conflits d’intérêts et le favoritisme local est pourtant un enjeu taille, car il s’agit d’éviter le développement de baronnies. Une illustration du phénomène cette année était le cas d’Alain Ferrand, maire du Barcarès dans les Pyrénées-Orientales et “Balkany catalan”. Un commerçant local décrit le Barcarès comme “une petite dictature” où “Le maire est omnipotent, sa politique clientéliste le fait réélire avec des scores soviétiques et l’opposition est inexistante.”

Le maire et son adjoint sont notamment soupçonnés d’avoir mis en place un système de pots de vin exigés des commerçants locaux. France Inter a décrit la méthode Ferrand dans une émission en janvier : société d’économie mixte, casinos, commerçants, festival, tout y passe. Enquête intégrale à lire ici.

19 décembre
Les atteintes à la probité s’étendent à l’orbite des collectivités locales

Les atteintes à la probité ne concernent pas que les élus, mais aussi des établissements publics ou semi-publics – comme les Sociétés d’Économie Mixte (SEM) ou les Offices Publics de l’Habitat (OPH).

À Martigues, l’affaire de la Semivim en est une illustration. Des promoteurs immobiliers auraient payé de multiples pots de vins sous forme d’argent ou de voyages à l’étranger par exemple, en échange de marchés publics ou d’informations stratégiques pour remporter ces marchés. Une information judiciaire a été ouverte en octobre 2021, et en décembre de la même année 5 personnes étaient placées en examen, dont la directrice du patrimoine du bailleur social, son compagnon qui était également employé par la Semivim et des entrepreneurs. En juin 2022 l’élue déléguée à l’aménagement urbain Linda Bouchicha était mise en examen pour favoritisme.

Autre exemple à l’Haÿ-les-Roses, où des montages financiers douteux sont dénoncés par Anticor : un projet immobilier doit s’élever contre la roseraie, inscrite à l’inventaire des monuments historiques. Le projet a été confié à l’aménageur privé Citallios, né de la fusion de quatre sociétés d’économie mixte, dont la SEM 92 et la SEM 78. Citallios est présidé par Vincent Franchi, premier adjoint et fils de la maire (LR) de Puteaux (Hauts-de-Seine), Joëlle Ceccaldi-Raynaud… Dont nous avons parlé dans notre podcast, dans l’affaire dite “des lingots”, tangente à celle de la Chaufferie de la Défense.

Le statut particulier de ces sociétés les rend sujet au risque corructif. En 2019, la Cour des comptes notait : “Le manque de transparence à l’égard des assemblées délibérantes des collectivités actionnaires est patent, alors même que les Sem développent de plus en plus leurs activités en dehors du cadre et des objectifs qui avaient présidé à leur création”. Créées en 1983, les SEM étaient censées toujours servir “un intérêt public local”. Mais leur champ de compétences très large, qui va de la construction à l’exploitation de services publics, les a amené à agir comme des opérateurs privés, servant les intérêts de “tiers non actionnaires” ou achetant des participations à des entreprises privées. A lire sur ce sujet.

20 décembre
Atteintes à la probité des élus locaux, que faire ?

Proposition n°1 : reconnaître l’importance des élus locaux minoritaires, par exemple en leur confiant la vice-présidence de la commission des finances. Mais aussi en les associant aux phases de négociation des marchés publics, et en favorisant leur droit à la formation, à l’information et à l’expression.

Proposition n°2 : pratiquer l’open data, favoriser l’accès des citoyens aux documents administratifs, publier en ligne les bénéficiaires des logements et voitures de fonction, la rémunération des collaborateurs, les frais d’avocats engagés par la commune, etc.

Proposition n°3 : pratiquer la tolérance zéro vis à vis des mises en examen pour atteinte à la probité, pour ne pas jeter le discrédit sur la fonction et ne pas prendre le risque d’entacher l’action publique.

Proposition n°4 : mettre en place une commission de contrôle financier pour examiner les comptes détaillés des entreprises liées à la commune par une convention financière, afin de ne pas avoir de mauvaise surprise.

Toutes ces propositions sont issues des 30 recommandations formulées par Anticor il y a deux ans à l’occasion des municipales. À retrouver en intégralité ici.

21 décembre – Focus Art
Focus sur l’art, havre du blanchiment, de l’évasion et de la fraude fiscale

Le marché de l’art se porte bien : les ventes aux enchères d’œuvres d’art ont atteint un record en 2021, à 17,08 milliards de dollars, soit +60% par rapport à 2020. Avec plus de 90 000 œuvres vendues, la France se place en 2e position après les États-Unis. Elle reste cependant à la quatrième place en termes de total cumulé des ventes, dépassant pour la première fois le milliard de dollars. L’art contemporain y représente près de 20% des ventes.

Mais par sa nature spéculative, le marché de l’art est aussi une place de choix pour blanchir de l’argent, et cette année l’a abondamment illustré.

On l’a vu notamment avec les révélations du Monde sur les manœuvres de Patrick Drahi pour échapper à l’imposition sur les œuvres dont il est propriétaire, et qu’il stocke chez Sotheby’s (qu’il a racheté en 2019) ou dans des ports francs.

Ces fameux ports francs, décors centraux du film Tenet de Christopher Nolan, sont de véritables cavernes d’Ali Baba ultra sécurisées des super-riches où ces derniers stockent leur fortune à l’abri des voleurs mais aussi et surtout du fisc.

Les ventes d’œuvres d’art se sont mêlées à la géopolitique européenne lorsque la guerre en Ukraine a débuté, et que des oligarques gros propriétaires ont été mis sur les listes de sanctions de l’UE. Parmi eux des noms comme Roman Abramovitch ou Guennadi Timtchenko, propriétaires de tableaux de Francis Bacon, Lucian Freud, Alighiero Boetti… Ou la maison de vente Phillips, qui appartient au groupe de luxe russe Mercury.

2022 a aussi été marquée par l’émergence des NFT, jetons de propriété numérique qui ont fait l’objet d’une intense bulle spéculative et qui se prêtent particulièrement bien au blanchiment. Aujourd’hui leur valeur s’effondre. Anonymat des transactions, recours au cryptomonnaies dont la trace peut aisément être dispersée par le recours à des mixeurs, ventes et reventes par les mêmes acteurs pour manipuler les cours… Les NFT ont tout pour plaire aux acteurs mal intentionnés. La chute récente de la plateforme de cryptomonnaies FTX, qui illustre l’absence totale de régulation du secteur, a fini par réveiller les régulateurs aux États-Unis et en Europe.

Deux exemples de potentielle atteinte à la probité lié à un achat d’œuvre d’art, à plus petite échelle. D’abord le cas du ministre du travail Olivier Dussopt, qui fait l’objet d’une enquête pour corruption et prise illégale d’intérêts. Le parquet national financier s’intéresser à deux lithographies du peintre Gérard Garouste qui avaient été offertes à l’intéressé en janvier 2017 par un dirigeant local de la Saur. La Saur est un groupe français de traitement de l’eau, et ce “cadeau” intervenait précisément alors qu’un contrat était sur le point d’être conclu entre la ville dont Olivier Dussopt était maire (Annonay en Ardèche) et cette entreprise.

Et pour finir le cas célèbre des tableaux flamands de Claude Guéant, sous-estimés par ce dernier et qui lui ont valu 535 000 euros de redressement fiscal en juillet. Cet épisode fait partie de l’enquête plus large sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy : les enquêteurs pensent que l’argent ayant servi à acheter ces tableaux provient de fonds libyens.

22 décembre
Focus sur l’art : les atteintes au patrimoine, notre affaire à tous

Le patrimoine culturel fait partie des intérêts fondamentaux de la nation (article 410-1 du code pénal). L’UNESCO fêtait en novembre 2022 les 50 ans de l’adoption de la convention concernant la protection du patrimoine mondial.

Pourtant cette année nous a donné quelques exemples d’atteinte à la probité sur le patrimoine culturel. Il y a eu l’affaire de la bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, révélée par Le Monde mi-octobre. La prestigieuse institution parisienne où sont rassemblés des milliers de livres et de précieux manuscrits, est au cœur de graves soupçons de trafic d’ouvrages. Des œuvres originale d’André Malraux, Fernand Léger ou encore Tristan Tzara ont disparu des collections.

Il y a eu aussi la mise en examen en mai de Jean-Luc Martinez, ancien patron du Louvre, dans une affaire de trafic d’antiquités. Il est soupçonné de blanchiment et complicité d’escroquerie en bande organisée. Secrets d’info s’est penché sur ce dossier dans une émission très complète, où se mêlent printemps arabe, escrocs, collectionneurs, maisons de ventes aux enchères, patrons de grands musées, diplomates, célébrités…

En octobre, Complément d’Enquêtes sur France 2 dressait un constat accablant sur le patrimoine de l’État français : les 500 000 objets d’art que ce dernier possède sont disséminés partout dans le monde, et nombre d’entre eux ont été perdus, cassés ou volés… parfois directement par des serviteurs de l’État. Depuis 3 ans, les policiers enquêtent sur de mystérieuses disparitions. Les Dahlias, tableau de l’artiste franco-russe Natalia Gontcharova estimée à 100 000 €, avait ainsi été mise en dépôt dans la sous-préfecture de Brioude. Mais lors d’un inventaire, on s’est aperçu que l’original avait été remplacé par une copie par le sous-préfet lui-même. Émission à voir ici.

En novembre, Xavier Delestre, conservateur régional de l’archéologie en PACA a publié “Pilleurs d’archéologie en France” et détaillait dans un entretien cette pratique très courante, banalisée par la démocratisation des détecteurs de métaux. Chaque année, quelque 2,4 millions d’objets seraient illégalement prélevés du sol, et font font souvent ensuite l’objet d’un trafic illégal en ligne sur des plateformes de revente.

Pour finir, évoquons l’affaire du mobilier du château de Grignon, bradé par les services de l’État par négligence. Parmi les pièces concernées, 20 chaises d’un menuisier fournisseur de la cour de Louis XVI, estimées à 170€ le lot par l’État, adjugées 6 240€, en réalité estimées par les experts entre 300 000 et 500 000 euros.

23 décembre
Focus sur l’art : les fondations à but non lucratif, un placement très bénéfique

Le mois d’octobre a été marqué par une décision importante du Conseil d’État, suite à une question posée par Anticor au sujet de la fondation Louis Vuitton. Dans un rapport rendu public en 2018, la Cour des comptes s’était intéressée à cette fondation. Elle soulignait le coût exorbitant de l’exonération fiscale accordée aux sociétés du groupe LVMH. Sur ses 11 premières années, la fondation LVMH a consommé 8% de la dépense fiscale consacré à ce dispositif, soit plus de 500 millions d’euros au total. Dans ce contexte, Anticor avait demandé en 2019 les comptes annuels de la Fondation pour 2016 et 2017 au Préfet de Paris, mais ce dernier a refusé en opposant le droit au secret de la vie privée de l’association (une personne morale, donc). Le conseil d’État lui a donné raison, refusant ainsi au public de savoir pour quel usage cette somme exorbitante d’argent public a été dépensée. Cet événement interroge sur la nature de ces fondations.

Autre exemple problématique : la fondation philanthropique de Patrick Drahi lui a servi à rémunérer sa fille et transférer des fonds à Altice, son groupe de télécoms et de médias, comme l’a révélé Heidi News.

La loi Aillagon de 2003 permet de défiscaliser 60 % d’un mécénat ou don à une fondation ; elle fait de la France un des pays les plus avantageux en la matière. Cela a permis à une poignée de grosses entreprises de défiscaliser en masse. En tout le manque à gagner pour l’État se chiffre à 900 millions par an, contre 10 fois moins avant la loi. Difficile de ne pas y voir une niche fiscale déguisée, ou un cadeau d’argent public fait aux grandes fortunes. Il est temps de revoir ce dispositif.

24 décembre
Focus sur l’art, un placement avantageux mais pour qui ?

Nous parlions hier des fondations ; il faut aussi évoquer le fait que les œuvres d’art n’ont jamais été intégrées à l’ISF depuis sa création en 1982, ni à sa version résiduelle qu’est l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), en dépit de tentatives par des députés de tous bords.

De même, elles bénéficient d’une fiscalité très faible sur les plus-values réalisées : régime forfaitaire à 6,5% ou abattement par année de détention, qui amène à 0% au bout de 22 ans. Mediapart revenait sur cette question en novembre. Le Monde également il y a plusieurs années.

Autre illustration de l’appétit financier qui entoure les collections d’art : le lancement de la Bourse du commerce-Collection Pinault en 2021. Opération intéressant à plusieurs niveaux pour François Pinault. Les pertes attendues de la Bourse du commerce, consolidées avec les bénéfices de la holding, réduisent d’autant le montant de son impôt. De plus la société commerciale permet à Pinault de transmettre sa collection (estimée à plus d’un milliard) sans droits de succession. Enfin, M. Pinault est propriétaire de la maison de vente Christie’s qui peut bénéficier du réseau d’acheteurs d’art de l’institution; la collection est elle-même prêteuse à d’autres; et elle augmente la valeur des œuvres par leur présentation publique.

Dernier élément sur la financiarisation des collections : en 2016, dans son rapport « Art et finance », Deloitte expliquait que 78 % des conseillers en patrimoine estiment que leurs activités de gestion devraient intégrer des services liés à l’art. Extrait : « Notre rôle, c’est d’être des facilitateurs », résume Mathilde Courteault, responsable du département art chez Neuflize OBC. […] « On ne fait pas de conseil à l’achat. On ne leur dit pas achetez ça, vous gagnerez 10 % en dix ans, mais on pratique le sur-mesure. »

25 décembre
Focus sur l’art et les atteintes au patrimoine : que faire ?

Proposition n°1 : améliorer la sécurité des acquisitions muséales. Un rapport vient d’être remis à ce sujet à la ministre de la culture suite à l’affaire qui a touché le Louvre Abou Dhabi. Parmi ses préconisations : renforcer les obligations des experts, marchands, antiquaires et galeristes relatives au blanchiment ; donner un cadre de référence méthodologique et déontologique plus précis concernant les procédures d’acquisition ; ou encore porter le projet d’une base de données des législations et des types de pièces justificatives à l’export.

Proposition n°2 : augmenter les moyens de contrôle et de sanction. Le même rapport préconise d’alourdir les sanctions qui s’appliquent au commerce de biens issus de trafics illicites lorsque l’entrée dans les collections publiques est en jeu, en portant les sanctions à cinq ans d’emprisonnement – au lieu de deux et une amende de 1 million d’euros – soit le double de ce qui est actuellement prévu par le code du patrimoine.

Enfin, sur l’aspect fiscal, un travail d’enquête parlementaire permettrait de poser plus clairement la question de l’utilité sociale des avantages fiscaux associés aux œuvres d’art et de leur éventuelle réforme.

26 décembre
Focus sur le sport : l’ovalie touchée par la corruption

Le monde du rugby n’est pas épargné par les affaires de corruption. Commençons avec l’affaire Altrad/Laporte : elle réunit un riche homme d’affaires, président du club de rugby de Montpellier et nouveau sponsor du XV de France, et Bernard Laporte, patron du rugby français. Selon le PNF, un pacte de corruption aurait été scellé en 2017 entre les deux hommes.

Le 13 décembre, le président de la fédération française de rugby, Bernard Laporte, a été condamné à 2 ans de prison avec sursis, 75 000 € d’amende et deux ans d’interdiction d’exercer toute fonction en lien avec le rugby. Il a immédiatement annoncé faire appel. Également condamné, Mohed Altrad a aussi fait appel. Ils sont présumés innocents.

À côté de l’affaire Altrad/Laporte, France 2023, la structure chargée d’organiser la Coupe du monde de rugby en France, est elle aussi touchée par les affaires. Le PNF a confirmé qu’une enquête a été ouverte début octobre pour favoritisme, trafic d’influence et corruption concernant la gestion de la structure.

28 décembre
Focus sur le sport : Le Qatargate et la FIFA.

À l’occasion de la coupe du monde de football, revenons sur les conditions d’attribution de la compétition au Qatar lors du vote de la FIFA en 2010. Plusieurs enquêtes sont ouvertes pour corruption. Sepp Blatter, ancien président de la Fifa, serait au centre d’un Qatargate selon les journalistes Philippe Auclair et Eric Champel. En France depuis 2019, deux juges d’instruction mènent une information judiciaire sur l’attribution controversée du Mondial au Qatar. Les magistrats soupçonnent la mise en place d’un pacte corruptif, en particulier autour du rachat, en 2011, du PSG par Qatar Sports Investments. Avec des contreparties éventuelles de l’émirat après le soutien de la France et du vote de Michel Platini en faveur du Qatar. À ce sujet, voir la très bonne émission de France 2.

Selon un rapport d’enquêteurs de la DGSI et de l’IGPN, d’anciens proches de Nasser al-Khelaïfi assurent qu’il aurait « fait le ménage » sur des informations susceptibles d’alimenter les investigations judiciaires. Auparavant, Le Parisien avait révélé des soupçons de pratiques corruptives de grande ampleur autour du club.

Les méthodes qataries sont éclairées d’un jour nouveau par le tout récent scandale de corruption qui éclabousse le Parlement Européen. Le sport constitue une porte d’entrée pour les opérations d’influence multiples menées par le pays (comme beaucoup d’autres) dans sa volonté de s’imposer sur la scène internationale.

29 décembre
Focus sur le sport : les paris sportifs, entre blanchiment et manipulations

Le pari sportif, comme tous les jeux d’argent, multiplie les risques de situations délictueuses liées à la corruption, notamment par les phénomènes de dopage, de versement de pots-de-vin à des arbitres ou à des joueurs afin d’influencer le cours du match et/ou son résultat. Le pari sportif est aussi un moyen de générer des profits élevés et de blanchir les produits de leurs activités illicites sans grand risque d’être détecté. Sur les marchés illicites, jusqu’à 1 700 milliards de $ seraient pariés chaque année, selon l’ONU.

En France, l’activité de pari sportif en ligne a atteint en 2021 un produit brut des jeux de 1,35 milliard d’euros. Le circuit légal des paris sportifs (en ligne ou non) peut aussi être l’instrument de faits de corruption et/ou de blanchiment d’argent, par les paris truqués. L’affaire des fréres Karabatic en 2015 dans laquelle des joueurs ont parié sur la défaite de leur équipe est un exemple en France. Les grandes instances internationales et nationales se sont saisis de la question des paris et des manipulations de matchs, notamment le Conseil de l’Europe et le CIO.

En France, les pouvoirs publics ont mis à jour des phénomènes d’addiction sur les jeux en ligne et les paris sportifs. Les organisateurs de paris sportifs en ligne ont des systèmes automatiques d’alerte sur les mises suspectes notamment sur les paris sportifs spéciaux, les « prop bets » qui concernent non pas le résultat final du match mais des événements en cours de jeu…paris très restreints en France.

En octobre, Winamax a été épinglé pour avoir violé plusieurs de ses obligations légales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. L’entreprise n’a pas fait le moindre signalement à Tracfin pendant plus de sept ans. Un autre poids lourd du secteur, Sorare, la start-up française reine des cartes à jouer virtuelles, intéresse l’Autorité nationale des jeux, qui réfléchit à classer ses activités dans la catégorie lourdement encadrée des jeux de hasard.

Sur le sujet du sport et de la corruption, on vous recommande la conférence tenue lors de l’université d’Anticor 2022, “Le sport à l’épreuve de la corruption“.

30 décembre
Focus sur le sport : que faire pour plus de régulation ?

Proposition 1 : généraliser les situations de conflit d’intérêts dans les fédérations et nommer des référents déontologues.

Proposition 2 : formaliser dans le code de conduite les règles encadrant les cadeaux, invitations et avantages reçus par les membres des fédérations. En cas de doute, se référer au comité d’éthique de la fédération.

Proposition 3 : pour les contrats de parrainage ne constituant pas un marché public, limiter le risque juridique en formalisant une procédure de passation et de sélection qui garantisse une concurrence saine.

Proposition 4 : observer une politique disciplinaire stricte face au non-respect des interdictions de paris. Faire respecter et informer largement sur les règles relatives au paris sportifs.

Toutes ces propositions sont issues du guide édité par l’Agence Française Anticorruption pour prévenir les atteintes à la probité dans les fédérations sportives.